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&c. les campagnes paroissent transformées en parterres les plus variés.

On doit, aux soins multipliés des fleuristes, & à leur constance dans l’amélioration des espèces, la sublime métamorphose du simple coquelicot des champs en superbes coquelicots. Ils ont rendu cette plante parasite, si multipliée dans les blés, & dont la destruction tient si fort au cœur des propriétaires, digne de figurer, même avec plus d’éclat que la renoncule, dans les parterres les plus recherchés. Comme le coquelicot ne s’élève qu’à la hauteur de douze à dix-huit pouces, il présente la plus agréable des bordures ; figure à merveille dans les jardins de peu d’étendue ; & si dans de très-longues plate-bandes, on le dispose en masse, de distance en distance, entre un groupe de grands pavots, il est impossible de se figurer un plus beau coup-d’œil. Si les feuilles, les tiges & les fleurs des pavots ne répandoient pas une odeur nauséabonde lorsqu’on les touche, si leurs fleurs étoient parfumées comme la rose, le pavot seroit, sans contredit, la première des fleurs.


Section Première.

De la culture des pavots dans les jardins

Les pavots craignent peu le froid ; ce qui donne la facilité de les semer en deux saisons. La terre la plus douce & la plus substancielle, est celle qui leur convient le mieux ; & ils deviennent superbes dans une terre préparée comme pour les renoncules. On doit se ressouvenir, en semant les pavots, que c’est à force de soins, & par la quantité de bonne nourriture, qu’ils ont successivement passé des champs dans les jardins, & que si on négligé un des moyens par lesquels ils sont parvenus à cette grande perfection, ils dégénéreront peu-à-peu, & reviendront à la longue, à leur état sauvage. (Consultez les mots Dégénération, Espèce)

Si on sème avant l’hiver, si la rigueur du froid ne porte aucun préjudice au semis, il est démontré que les fleurs seront beaucoup plus belles que celles produites par les semis de février, ou de mars, ou d’avril suivant le climat : la première époque du semis est au milieu de septembre ou en octobre.

Comme la graine de pavot est très-fine, comme les oiseaux à bec long, ainsi qu’une infinité d’insectes en sont très-friands, on doit semer un peu épais & sarcler ensuite à mesure que les pieds se trouvent trop rapprochés. Les cloportes, (voyez ce mot) sont des destructeurs acharnés à détruire la plantule lorsqu’elle sort de terre ; & eux seuls suffisent pour dévaster un semis. Leurs ravages sont moins à craindre dans les semailles faites après l’hiver,

La graine extrêmement fine ne demande pas à être enterrée, mais simplement recouverte. On doit semer en place, parce que les pavots ne souffrent pas la transplantation, à moins qu’on ne les enlève avec toute la terre attachée à leurs racines, de manière qu’ils ne s’aperçoivent pas avoir changé de place. L’espace à laisser d’un pied à l’autre des grands pavots, est de dix-huit à vingt-quatre pouces, & celui de dix à douze pouces entre chaque coquelicot : peu de jardiniers observent cette distance, & ils ont tort. Le volume de la plante & le nombre de ses tiges, proportion gardée, est toujours en raison de l’espace qu’on laisse.