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mûres par leur affaissement & par la couleur jaune qu’elles acquièrent ; cette couleur annonce que les tiges sont prêtes à pousser & à monter en graine.

Il est très-important de récolter les feuilles par un temps sec : s’il est pluvieux, on doit différer. La récolte se fait de deux manières ; quelques-uns empoignent les plantes près de terre, & les coupent en les tordant ; les autres les fauchent : ce dernier procédé est le meilleur. Il est vrai que l’on a la peine ensuite de rassembler les feuilles, mais cette perte de temps est compensée par la célérité dans la coupe, & par l’état de la plante qui ne souffre point de tiraillemens : c’est le cas, après cette première récolte, de sarcler & de biner. On a le temps, jusqu’au commencement de novembre, de faire trois & quelquefois quatre coupes, suivant que la saison favorise la végétation du pastel, & suivant la fertilité du sol. Le pastel destiné à donner de la graine pour les semis des années suivantes, n’est récolté que deux fois, & ensuite on le laisse monter en graine. Ne vaudroit-il pas mieux semer à part celui destiné à la multiplication, ou en conserver une partie dans un coin du champ, & ne point en récolter les feuilles ? Il me paroît que les tiges qui auroient suivi & végété d’après la loi naturelle, seroient plus grandes, plus fortes, & par conséquent leurs graines mieux nourries. C’est un point à examiner.

Les récoltes se succèdent à peu près de six en six semaines ; la première est la meilleure, soit pour la qualité soit pour la quantité, elle demande à être mise à part ; les suivantes vont toujours en le détériorant, & les cultivateurs de bonne foi les séparent.

La méthode suivie dans la Thuringe, &c décrite par Wedebins, diffère en un point de celle de France. Après avoir récolté les feuilles, dit-il, on les lave dans quelques rivières, on les expose au soleil après les avoir lavées, & on les étend dans un endroit propre à les faire sécher ; mais si la saison n’est pas favorable, & que ces feuilles soient continuellement mouillées par la pluie, elles courent risque de se gâter ; car, quelquefois elles deviennent noires dans l’espace d’une nuit : on attend que l’humidité soit dissipée pour les faire transporter dans les moulins destinés à les broyer.

En France, au contraire, on porte les feuilles au moulin aussi tôt après leur récolte. Le lavage pratiqué dans la Thuringe, ne sert donc qu’à les rendre propres, & à les dépouiller de toute espèce de saleté.

L’opération du moulin doit être prompte, parce que si les feuilles restent entassées, elles fermentent promptement, pourrissent & répandent bientôt une odeur insoutenable. Dans quelques cantons on les tourne & retourne plusieurs fois, afin que la masse se fane & se flétrisse également, & pour qu’elles ne commencent pas à fermenter.

Lorsque les feuilles sont triturées & réduites en pâte par l’action des meules, on en fait des piles dans la galerie du moulin, ou à l’air libre en dehors : après avoir bien pressé la pâte avec les pieds & les mains, on la bat & on l’unit par dessus avec la pelle ; c’est lepastel en pile.

Dans la Thuringe, après avoir broyé cette plante, l’avoir réduite