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vase destiné à la recevoir. On enlève le dépôt bien lavé, on le divise par morceaux, & on l’expose dans un endroit chaud ou à l’air libre pour sécher ; il se tamise fort aisèment.

On prend ensuite parties égales de cette farine & de pommes de terre cuites & converties en pulpe ; on y mêle par livre du total, un gros de levure de bière, demi-gros de sel & quatre onces d’eau que l’on pétrit bien ensemble ; la pâte résultante est mise deux heures après au four, & y demeure environ une heure & demie ; on obtient au bout de ce temps un pain blanc, qui a un petit goût herbacé appartenant à la pomme de terre.


Article VIII.

De la bouillie.

Comme la bouillie est, après le pain, la forme sous laquelle on emploie le plus communément les farineux, nous avons pensé qu’il seroit utile d’ajouter ici quelques réflexions sur cet objet.

Si le blé est de tous les grains celui dont on fait le meilleur pain, c’est aussi celui qui donne la bouillie la moins saine : le sarrazin, au contraire, dont le pain est le plus grossier, fournit la bouillie la plus délicate : d’où il suit que c’est absolument contre le vœu de la nature que l’on s’obstine à vouloir faire subir à tous les farineux indistinctement la même préparation. Attachons nous donc à chercher celle qui leur convient, & suivons en sorte ensuite de la perfectionner : cela posé, toutes les fois que les farineux n’offriront pas les avantages du pain, qu’ils ne seront ni collans ni visqueux, il faudra préférer de les réduire sous la forme de bouillie.

Pour que la bouillie soit moins collante & plus digestible, il faut la tenir sur le feu jusqu’à ce qu’elle n’exhale plus l’odeur de farine, y ajouter des assaisonnemens & la faire un peu claire. Mais si la bouillie de froment la mieux préparée est lourde, fatigue les adultes vigoureux, quel mal ne doit-elle pas produire aux enfans dont les organes sont si foibles & si délicats ? C’est cependant dans la manière de les nourrir dans leur jeunesse, qu’il faut chercher la cause des maladies auxquelles ces êtres frêles & délicats succombent si souvent.

Nous invitons les mères qui allaitent, de consulter leurs entrailles, & de faire usage de leurs lumières ; elles leur diront bien mieux que ne pourroit faire le meilleur traité, que la bouillie de froment est un mastic qui engorge les premières voies, donne un chyle grossier, fatigue les organes délicats des nourrissons, occasionne des maux d’estomac, des tranchées, des dévoiemens, des vers ; qu’il faut y substituer le pain fermenté, délayé dans l’eau, dans le bouillon, ou dans du lait, sous la forme de panade. Mais si l’on ne veut pas proscrire l’usage de la bouillie pour les enfans, qu’on la fasse au moins avec la farine de sarrazin, d’orge, de blé de turquie, de riz, d’amidon, & généralement avec tous les farineux dont l’on ne pourra obtenir que de très-mauvais pain.