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l’ame de la boulangerie, s’il est permis de s’exprimer ainsi, c’est sur lui que toute l’attention doit se porter, & en le composant de farine de froment seul, son action a bien plus d’énergie que s’il étoit formé de toute autre farine.

Une autre observation, c’est que quelque parti que l’on tire de la mouture à la grosse, en la pratiquant d’après les meilleurs principes, la mouture économique aura toujours sûr elle un avantage incontestable, tant pour les produits en farine que pour la distinction de leurs qualités différentes, & une séparation plus exacte du son, dont la présence, dans les farines, nuit toujours à leur beauté, à leur emploi, & à leur garde.


Article Premier.

Du pain d’épéautre.

L’épeautre bien nettoyé, & parfaitement moulu, donne une très belle farine d’un blanc jaune, douce au toucher, & formant, par le mélange de l’eau, une boulette longue, tenace & visqueuse.

Il faut que l’eau pour le pétrissage de la farine d’épéautre soit moins froide, & l’on doit employer davantage de levain que pour celle du blé, travailler beaucoup la pâte, la laisser très-peu apprêter, & chauffer moins le four. Le pain qui en résulte est blanc, léger, & d’une très-facile digestion.


Article II.

Du pain de seigle.

On distingue dans le seigle, comme dans le froment, différentes nuances de qualité, & on en retire plusieurs espèces de farine.

Le meilleur seigle est celui qui est clair, peu alongé, gros, sec & pesant ; les mêmes causes qui altèrent le blé, influent également sur le seigle ; les mêmes moyens le garantissent.

Il est extrêmement essentiel que le seigle soit sec avant de l’envoyer au moulin, parce qu’il est naturellement plus humide que le blé. Il faut tenir les meules très-rapprochées pour moudre ce grain.

La farine de seigle est douce au toucher ; sa couleur est d’un blanc bleuâtre ; elle répand une odeur de violette ; la boulette qu’on en fait avec de l’eau est courte, & s’attache aux doigts.

Quoique le pain de seigle soit en Europe le fondement de la nourriture des pays froids, il s’en faut bien qu’on le sache préparer convenablement ; moulage peu soigné, levain trop vieux & peu abondant, eau beaucoup trop chaude, mauvais pétrissage, fermentation négligée, & cuisson imparfaite, tels sont les vices de pratique qui rendent défectueuse la fabrication du pain dont il s’agit.

Pour faire le levain de seigle, on agira de la même manière que pour celui du froment, excepté qu’on y emploiera la moitié de la farine destinée au pétrissage, que l’eau sera toujours chaude, qu’on donnera plus de consistance à la pâte, & qu’en la laissera apprêter constamment dans des corbeilles ou des pannetons, qu’enfin, le four sera moins chauffé & que le pain y restera plus long-temps.