Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rentes formes & grandeurs, dans lesquels on dépose la pâte au sortir du pétrin, pour la transporter où l’on veut : il faut que ces corbeilles soient plus étroites à la partie inférieure, & qu’elles s’élargissent à mesure qu’elles s’approchent de leur ouverture ; qu’elles soient toujours garnies intérieurement de coutil, afin qu’on puisse les nettoyer & les laver commodément.


ARTICLE II.

Du levain.

Le levain est une portion de pâte actuellement en fermentation, destinée à porter de la mobilité & de la vie à la farine mêlée avec une certaine quantité d’eau, de manière que le mélange présente un état mou & flexible.

La pâte, sans l’addition du levain, ne boufferoit ni ne contracteroit l’odeur vineuse qui caractérise la fermentation panaire : c’est à cette heureuse invention qu’on est redevable de la perfection du pain ; mais il faut convenir qu’on n’en retire pas toujours le parti le plus avantageux, faute de savoir préparer le levain & l’employer convenablement.

Le levain de la dernière fournée a quelquefois huit jours & même plus. Le soir, la veille de la cuisson, on dépose ce levain rempli de grumaux dans un enfoncement préparé au milieu de la farine destinée à être convertie en pain ; on le délaye dans toutes les saisons avec de l’eau très-chaude, on y mêle peu à peu la farine circonvoisine qui fait à peu près le douzième de la totalité de celle qu’on se propose d’employer ; on en forme une pâte molle à moitié travaillée, qui demeure toute la nuit dans le pétrin qu’on tient toujours chaudement couvert. Le lendemain matin on le trouve ordinairement crevassé de tous les côtés, affaissé, aplati & exhalant une odeur fort aigre.

C’est cependant avec un pareil levain qu’on se propose de faire le pain ; que peut-on alors espérer du meilleur grain, sur-tout en pétrissant sans soins & avec de l’eau très-chaude, en tournant mal la pâte, en l’enfournant trop tôt ou trop tard. Ainsi, tandis que le particulier qui prépare son pain chez lui, fait l’impossible pour n’employer qu’un levain bien vieux, extrêmement aigre & sans activité, le boulanger instruit ne paroît occupé que des moyens de se procurer tout le contraire, c’est-à dire, un levain nouveau, bien volumineux, n’ayant presque pas d’odeur. Il met de côté, dès le matin, un morceau de pâte à laquelle il ajoute dans le cours de la journée, jusqu’à quatre fois, une nouvelle quantité de farine & d’eau, ce qu’il appelle renouveler ou rafraîchir son levain, afin que, trois heures avant de pétrir, ce levain formé ainsi en différens temps, soit spiritueux & produise l’effet désiré.

Mais il seroit ridicule d’imposer ici la même gêne & le même travail. Le particulier n’a point comme le boulanger un intérêt marqué à la grande perfection de son pain, pourvu qu’il soit bien fabriqué & bon, cela doit suffire. C’est pour cette raison que, loin de le gêner, nous allons même faire en sorte de ne pas le déranger dans l’usage des heures qu’il a choisies pour préparer son levain, pétrir sa pâte & cuire son pain.