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que le jet est assez fort, on supprime cette partie supérieure de la vieille tige qui devient inutile, & on recouvre la plaie avec l’onguent de saint Fiacre. Cette manipulation me paroît très-avantageuse, sur-tout dans les cantons exposés aux coups de vent. On ne doit greffer que lorsque la séve commence à être en mouvement.

Il est rare, dans les provinces du midi & dans celles du centre du royaume, que les greffes ne donnent pas d’un seul jet, une belle tige. Si, par un accident quelconque, la tige n’acquiert pas une hauteur convenable, il faudra la receper avant la pousse de l’année suivante, à un pouce au-dessus de la greffe, & supprimer rigoureusement les boutons qui s’épanouiront en dessous, sans quoi ils affameroient la partie de la greffe.

On peut également greffer à la seconde séve ; mais la tige ne s’élève jamais avant l’hiver à la hauteur nécessaire, qui est celle de cinq à six pieds. De tels arbres seront utiles dans les plantations en buissonniers, ou taillis, ou mûriers nains.

Si des circonstances quelconques n’ont pas permis de greffer dans la pépinière, à la première ou à la pousse après le recepage de celle-ci, on peut laisser l’arbre croître & se fortifier dans la pépinière jusqu’à ce qu’il ait acquis une grosseur convenable. Alors on le transplante à demeure, on arrête son tronc à cinq, six ou sept pieds de hauteur, & on lui laisse pousser, pendant l’année suivante, un certain nombre de branches. La trop grande quantité de ces branches ne leur permettroit pas de prendre une grosseur convenable ; aussi pendant le cours de l’été on supprime les surnuméraires, on laisse les trois ou quatre, ou cinq au plus, les mieux disposées & les mieux venantes, & on les greffe en flûte. Lorsque la séve est déjà bien en mouvement l’année d’après, la greffe à écusson réussiroit également, & seroit peut-être d’une plus facile exécution que l’autre pour le plus grand nombre des cultivateurs ; celle en flûte demande plus de précision. Il vaut beaucoup mieux profiter des premières pousses ou bourgeons, lorsqu’ils sont assez forts, que de ravaler ces mêmes branches à quelques boutons près, l’hiver suivant. Cependant, si des obstacles quelconques ont empêché de greffer, il faut en venir au ravalement ; mais on a perdu une année, & on a mis la partie au-dessous de la greffe & le tronc même dans le cas de produire beaucoup plus de branches sauvageonnes. Je n’entrerai ici dans aucun, détail sur la manipulation de ces greffes, sur les circonstances où elles doivent être faites. Ces répétitions deviendroient inutiles, puisque chaque objet est spécifié au mot greffe.

Cette transmutation d’une espèce dans une autre, est bien précieuse, & l’admiration devient extrême lorsqu’on l’envisage dans toutes ses parties. C’est le moyen unique d’ennoblir des espèces chétives, de conserver & de perpétuer les bonnes ; mais l’on doit faire attention que le mûrier greffé d’une manière ou d’une autre, vit moins long temps que le sauvageon. Il végète beaucoup plus vite, & avec plus de force ; il est donc naturel que son épuisement soit plus rapide. On doit encore observer que telle espèce de mûrier développe ses feuilles plus tard au printemps que telle autre ; il ne faut donc pas que dans