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multipliées, à mesure qu’il approche d’un pays semblable à celui où la nature l’avoit placé : on ne les connoît pas en Chine, en Amérique ; elles sont rares en Espagne, un peu plus communes en Italie & très-fréquentes en France. Dans les pays méridionaux de l’Europe, la gomme & la jaunisse sont à peu près les seuls maux auxquels l’oranger est sujet. Le premier est dû à une transition trop forte du chaud au froid : quand la séve commence à être en mouvement, le froid fait refluer la matière de la transpiration dans la masse de la séve, la partie affectée devient livide, ensuite brune, & la gomme la recouvre. Ce mucilage produit sur l’oranger les mêmes ravages que sur nos arbres fruitiers à noyaux. (Consultez le mot Gomme, & les moyens d’en prévenir les suites dangereuses) Ces froids inattendus brûlent quelquefois la sommité des bourgeons qui ne sont pas encore bien aoûtés, & même une partie de la sommité de ceux qui sont plus nouvellement aoûtés : supprimer la partie morte & tailler jusqu’au vif, est alors le seul remède. La couleur pâle & livide des feuilles dépend ou du peu de nourriture que les nombreux chevelus des racines trouvent dans une terre épuisée, ou du défaut d’irrigation, ou enfin d’une surabondance d’eau pluviale ou d’arrosement, sur-tout lorsque la couche de terre inférieure est argileuse.

Ces mêmes maladies se manifestent en France ; cependant on y voit très-rarement la gomme en nature ; Les mêmes marques subsistent, & sont la cause de grands dégâts si on n’y remédie par l’amputation jusqu’au vif. Sans cette précaution les chancres, & la pourriture gagneront insensiblement toute la branche. Il est inutile de répéter que chaque plaie, que chaque coupure doit être recouverte avec l’onguent de saint Fiacre.

Outre les causes déjà indiquées de la jaunisse, la mutilation forcée des chevelus & des racines, lors de l’encaissement & du décaissement, y contribue beaucoup. En effet, comment peut-on concevoir qu’un oranger à haute tige, & dont la tête a six ou huit pieds de diamètre, puisse recevoir une nourriture proportionnée à ses besoins, par un bloc de tronçons de racines qui a un pied ou tout au plus dix-huit pouces de diamètre, & qui est placé dans une terre surchargée d’eau ! Le gros soleil que l’arbre éprouve en sortant de l’orangerie contribue encore à la jaunisse : les feuilles sont devenues tendres pendant l’hiver, elles ont peu joui de la lumière, & le trop grand jour les affecte ; mais cette jaunisse est passagère & de peu de durée ; dès qu’elles sont accoutumées au plein air, elles reprennent promptement la couleur qui leur est naturelle. La jaunisse est encore quelquefois la suite d’une taille trop souvent réitérée qui détourne inutilement le cours de la séve. Une ou plusieurs de ces causes réunies font souvent perdre à l’arbre toutes ses feuilles. Si c’est par défaut de nourriture, on doit lui donner une nouvelle terre bien préparée, & de temps à autre une lessive, afin qu’il ait la force de réparer la perte qu’il vient de faire.

La brûlure provient encore quelque-fois, sur-tout dans les provinces du midi, de fortes rosées ou de petits-brouillards qui paroissent dans le courant de juin, & qui sont tout