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les pluies assez communes & par conséquent le besoin des arrosemens très-rare : détourner les broussailles pour serfouir la terre, & les replacer, n’est une opération ni longue ni fatigante.

Dans les provinces du midi l’arrosement devient plus nécessaire & plus dispendieux. Je demande, n’y arrose-t-on pas les ormeaux, les peupliers blancs ou ypréaux, les oliviers, pendant les deux premières années de leur plantation ? Le mûrier est-il donc un arbre de moindre valeur que les deux premiers ? Pourquoi n’auroit-on donc pas pour lui les mêmes attentions ? & pourquoi craindroit-on plus la dépense ? ce n’est pas la coutume, voilà le mot de l’énigme. D’ailleurs la terre de la fosse qui contient la pourrette plantée en février, est déjà humectée par les pluies d’hiver ; elle le sera encore par celles de mars & d’avril, & en multipliant sur sa surface les balles de blé, elle peut, absolument parlant, se passer d’arrosement.

Au moyen du procédé qui vient d’être décrit, & en le suivant dans tous ses points, on est assuré que le jeune arbre enfoncera son pivot, pendant les années suivantes, aussi profondément qu’il trouvera de fond ; que ses racines secondaires suivront la même direction ; enfin que ses racines secondaires & latérales n’iront pas affamer les récoltes à la distance de dix toises, lorsque l’arbre aura acquis une certaine grosseur.

Je prie, avec instance, ceux qui trouveront cette méthode singulière & peut-être ridicule, de faire, avant de la condamner, l’expérience suivante : plantez une pourrette à la sortie du semis, & avec les soins indiqués, & dans une fosse voisine, un arbre provenu du même semis qui aura été mis & tiré de la pépinière, après lui avoir chaque fois coupé le pivot, raccourci les racines, &c., & vous verrez, quelques années après, lequel des deux offrira une plus belle végétation, & dix ans après, celui qui affamera le mieux la terre à une plus grande distance. C’est d’après des faits semblables, que l’homme sage se décide & prononce, tandis que la multitude tranche d’un seul mot ; mais heureusement ses décisions ont peu d’autorité. On dira à cette multitude : transportez-vous dans un jardin, dans une forêt ; comparez l’arbre venu de graine, avec celui qui a poussé sur souche, ou qui a été replanté sans pivot, examinez & voyez celui auquel vous donnerez la préférence.

Si des circonstances ne permettent pas au cultivateur de suivre la première méthode, il fait défoncer le sol de la pépinière à deux pieds de profondeur. Lorsque la terre est toute préparée, il ouvre de petites fosses de 12 à 15 pouces sur toute la longueur, il y plante la pourrette avec les mêmes soins indiqués ci-dessus ; & ainsi de rang en rang, tirés au cordeau.

Le pépiniériste défonce la terre à la profondeur d’un fer de bêche, (voyez ce mot) c’est-à-dire à 10 ou à 12 pouces ; il coupe le pivot de la plante, ne lui laisse que deux à trois pouces de longueur, coupe en grande partie les racines latérales, détruit la plus grande, partie des chevelus qui l’embarrasseroient ; enfin, avec une cheville, il fait un trou dans cette terre, y plante la pourrette, & avec