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se chargent bientôt de branches chiffonnes qui se croisant les unes les autres, ne présentent plus qu’une confusion dégoûtante à la vue ; les mères branches se chargent de bois mort, les autres branches se défeuillent par le bas, la verdure n’est plus qu’au sommet. Cet arbre dont l’aspect est hideux, donne cependant du fruit, & quelquefois en très-forte quantité. J’en ai vu qui étoient aussi chargés de fruits qu’aucun autre olivier bien tenu & bien taillé, soit en Provence, soit en Languedoc. Je conviens malgré cela que les olives sont petites, peu charnues, & que si l’on prend dix années pour terme de comparaison, l’avantage sera tout entier pour nos provinces du midi… Les oliviers de Corse, plantés dans un terrain substantiel & dans une exposition qui leur convient, sont volumineux & donnent abondamment presque toutes les années, avec l’intermittence d’une année plus féconde que l’autre. C’est sans doute cet exemple qui a engagé les anciens écrivains à dire que les oliviers ne devoient être taillés que tous les huit ans. À coup sûr, par le mot taille ils entendoient seulement parler de la soustraction du bois mort & de l’amputation des branches rabougries ou languissantes ; & c’est plutôt émonder l’arbre que le tailler : car pour le remettre en état, & d’après nos procédés actuels, on devroit supprimer presque toutes ses branches, puisqu’à peine y trouveroit-on du bois nouveau capable de regarnir la tête de l’arbre ; il faudroit même le couronner.

S’il étoit permis de raisonner d’après l’analogie, on diroit : nos arbres fruitiers à plein vent & livrés à eux-mêmes, implorent-ils sans cesse le secours de la hache ou de la serpe ? Non ; cependant ils se chargent de fruits : n’est-ce pas sur les bourgeons de l’année que chargent les arbres à noyaux ? Ne faut-il pas deux années pour préparer & nourrir les boutons à fruits des arbres à pepins, &c. ? Taille-t-on les ceps que l’on laisse gagner jusqu’au sommet des noyers, des ormeaux, ainsi qu’on le pratique près des Échelles, partie de France voisine de la Savoie. Cependant chacun de ces ceps fournit, année commune, assez de raisins pour remplir une barrique de la contenance de deux cent cinquante bouteilles, &c. Il ne s’agit pas ici des hautains proprement dits. (Voyez le mot Vigne)

Pourquoi l’olivier fait-il donc exception à la loi générale ? Pourquoi celui qui taille tous les trois ans, ou tous les deux ans, ou tous les ans par parcelles, a-t-il des récoltes & de beaux arbres ?

J’en appelle ici au témoignage des anciens de chaque canton, & je leur demande si, dans leur jeunesse on tailloit les oliviers de la même manière qu’on les taille aujourd’hui, & si, dans l’espace de quarante à cinquante ans cette méthode n’a pas varié plusieurs fois ? Cette question n’est pas sans motif, puisque dans le journal de mon voyage fait en novembre, décembre 1775, janvier, février, mars & avril 1776, dans lequel je suivis la lisière de la méditerranée, depuis Narbonne jusqu’à la rivière de Gènes, & toute celle de la Corse, uniquement pour y étudier la culture de l’olivier, je vis que dans tel canton du Languedoc c’étoit un provençal qui avoit introduit la taille que l’on y pratiquoit alors ; que dans tel autre de la Provence on la devoit à un languedocien, &c. : je vois encore aujourd’hui que dans le canton