feuilles, comme du vin : il est, dans le nord, peu riche en esprit ardent & en partie sucrée qui se forme lors de la fermentation. La perfection des feuilles des mûriers du nord ne doit donc jamais égaler celle des mûriers du midi, & par conséquent, la soie qu’on en retirera sera toujours inférieure en qualité, relativement à l’autre.
II. L’Exposition. Lorsque la muriomanie s’est manifestée en France pendant le siècle dernier, on a planté des mûriers par-tout indistinctement. Or, si la distance éloignée des climats a une influence si décidée sur la qualité de la feuille, l’exposition au nord, ou au midi, au levant, ou au couchant, doit agir, d’une manière moins prononcée, à la vérité, sur les feuilles des arbres du même canton. J’ose dire que la feuille des arbres plantés au nord, ou de ceux qui ne reçoivent que foiblement les rayons du soleil, sera très-aqueuse & peu nourrissante ; que celle des arbres plantés au midi, ou au soleil levant jusqu’au soleil de trois & quatre heures, & même de toute la journée, sera bien supérieure aux autres pour la qualité ; il en est de même de celle dont les arbres sont plantés dans des endroits élevés & bien abrités, en comparaison de celle des arbres qui se trouvent dans les bas-fonds, dans les vallons. D’ailleurs, la feuille de ceux-ci est fort sujette à être tachée ou rouillée. Cet accident est encore très-commun près des ruisseaux, près des rivières, d’où il s’élève des brouillards lorsque le vent du sud règne dans la partie supérieure de l’atmosphère, & le vent du nord, dans l’inférieure ; alors les gelées blanches produisent de terribles effets sur les jeunes pousses, sur les feuilles encore tendres ; & si la saison des gelées blanches est passée, la condensation de l’humidité qui s’élève de la terre, & qui s’unit à celle de l’atmosphère, forme le brouillard qui surcharge d’humidité les feuilles déjà développées ; le soleil survient tout à coup, sa chaleur vive frappe sur l’humidité des feuilles, & leur épiderme trop abreuvé, & dont les pores sont par conséquent distendus, est plus ou moins brûlé, suivant l’intensité de l’humidité, & l’activité du soleil. Le parenchyme qui donne la couleur à l’épiderme, est également altéré ; cette feuille ainsi viciée, ne peut plus servir à la nourriture du ver. Combien de cultivateurs ont planté une multitude de mûriers, sans faire aucune de ces observations ! Qu’ils ne soient donc pas étonnés si leurs feuilles sont si souvent rouillées, & si leur récolte est entièrement perdue. C’est de la bonne qualité de la feuille, c’est de la bonne exposition de l’arbre ; enfin, c’est de la nature du sol que dépend la qualité plus ou moins supérieure de la soie.
III. Qualité du sol. Si on n’a pour but que la vigueur de la végétation de l’arbre, la grande abondance de belles & larges feuilles, je dirai : choisissez les meilleurs fonds, tels que celui des terres à lin, à chanvre, pourvu qu’ils aient une grande profondeur de bonne terre ; mais il en sera de ces feuilles, comme des raisins ou de tels autres fruits venus sur des sols semblables ; ils seront noyés d’eau, n’auront presque aucune partie sucrée, & leur grosseur qui flattera l’œil, ne dédommagera pas du goût qui leur manquera. Les feuilles de pareils arbres sont peu nourrissantes ; le ver à qui on les donne, est presque toujours dévoyé, il est mou, lâche, ses mues sont pénibles,