la couleur du fruit approche du noir, & dont celle des feuilles est très-foncée : car les mûriers sauvageons, greffés par des sauvageons, & les mûriers nommés roses, donnent chacun des fruits dont la couleur approche du noir, & des fruits blancs. Cette distinction de noir & de blanc est plus apparente, s’il est question de la couleur des feuilles : en effet, la couleur de celles des sauvageons est moins foncée que celle des roses ; mais ce plus ou moins d’intensité, de couleur, offre un si grand nombre de nuances intermédiaires, qu’il ne caractérise ni ne sépare exactement une espèce jardinière d’une autre espèce ; cette différence de couleur est simplement indicative en général. On pense bien que ce qui vient d’être dit, souffre un grand nombre de modifications, soit relativement au climat, soit par rapport au sol & à la conduite de l’arbre ; enfin, l’on ne doit pas s’imaginer que les mûriers d’un canton ressemblent strictement à tous ceux du royaume. La seule conclusion a tirer, est que l’on doit nommer sauvageon tout mûrier greffé, ou non greffé, dont les feuilles sont découpées, & mûrier rose celui dont la feuille est entière, d’un vert foncé, & dont la forme approche de celle du rosier.
On objectera qu’on ne doit pas appeler sauvageon un arbre greffé : j’en conviens ; mais dès que la feuille est très-découpée, c’est une preuve qu’il n’a pas encore perdu son premier caractère, & qu’il tient de son état sauvage. Quoiqu’il en soit, afin d’éviter toute confusion, j’appellerai dans la suite le mûrier à feuilles minces, découpées, & à couleur claire, mûrier sauvageon ; & celui à feuilles épaisses, amples, d’un vert foncé, de forme ovale & entière, mûrier rose. Je sais que de vrais sauvageons auxquels on n’a refusé ni engrais, ni labours, & qui ont été semés dans un sol excellent & dans un climat convenable, peuvent donner pendant les premières années, des feuilles semblables à celles du mûrier rose ; mais lorsque la grande force de la végétation commence à se ralentir, les feuilles ne tardent pas à prendre peu à peu leur forme naturelle. Ces exceptions peu communes ne détruisent pas la règle générale que j’établis, & j’ajoute que la greffe est le seul moyen de perpétuer les bonnes espèces roses, ou les bonnes sauvageonnes.
M. Constant du Castelet publia en 1760 un Traité sur les mûriers blancs, & sur l’éducation des vers à soie, imprimé par ordre des états de Provence, à Aix, chez David, dans lequel il divise les espèces de mûriers dans l’ordre qui suit ; & un grand nombre de copistes de provinces très-éloignées, ont rapporté la même nomenclature, comme si dans leurs provinces les mûriers avoient conservé la même dénomination.
« Mûriers sauvages. Il y en a quatre espèces : la première est celle qu’on appelle feuille rose. Ce mûrier porte un petit fruit blanc, insipide ; sa feuille est rondelette, semblable à celle du rosier, mais plus grande. La seconde est la feuille dorée, elle est luisante & s’alonge sur le milieu ; le fruit en est de couleur purpurine & petit. La troisième, la reine bâtarde : fruit noir ; feuille deux fois plus grande que celle de la feuille rose, dentée à sa circonférence ; la dent de l’extrémité supérieure s’alonge plus que les autres. La quatrième est appelée femelle : l’arbre est épineux, il pousse