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que l’on croit originaire de Grèce, le noyer indigène à l’Europe, &c., n’ont pu supporter les hivers rigoureux, tels que celui de 1709 ; l’olivier y périt également, & il souffre beaucoup, lorsque dans nos provinces méridionales il survient un froid de cinq à six degrés pendant le mois de février. Le mûrier au contraire, s’est tellement acclimaté, qu’il brave les grands froids & même les rigoureux hivers du Brandebourg. On parviendra, suivant toute apparence, à le naturaliser en Russie ; les trois mois de chaleur qu’on y éprouve sans interruption, suffiront à sa végétation & à l’éducation du ver à soie. Mais pourquoi le mûrier n’éprouve-t il pas les mêmes variations que la vigne, l’olivier, &c. ? leur tronc périt & se renouvelle par ses racines, sur-tout celui de ce dernier ; un tronc de noyer éclata perpendiculairement en 1709. Je crois qu’outre la texture différente de ces arbres, leur sensibilité tient à ce qu’ils ont été multipliés principalement par boutures, collettes, &c. Les semis endurcissent & acclimatent infiniment mieux la plante que toutes les autres manières. Les semis forment autant d’éducations nouvelles ; les boutures, les marcottes, au contraire, n’offrent jamais qu’un renouvellement de la même éducation. Je ne présente ces idées que comme de simples conjectures, quoiqu’elles ne soient pas sans vraisemblance ; mais l’on peut encore attribuer la forte vitalité du mûrier au peu d’aquosité de son bois qui le rend moins susceptible des impressions du froid. Quoiqu’il en soit, l’expérience prouve que le mûrier est l’arbre qui peut le mieux prospérer dans les quatre parties du monde ; je crois que c’est un exemple unique. Si le caféier réussit aujourd’hui si bien dans toutes nos îles de l’Amérique, il est probable qu’il y a acquis cette indigénéité par les semis faits au jardin du roi à Paris, d’où il a été ensuite transporté en Amérique. (Voyez le mot Café) Il en sera peut-être ainsi du cannelier, & du giroflier, transportés à l’île de France par les soins & la vigilance de M. Poivre ; & bientôt l’Amérique ne laissera plus aux hollandois le privilège exclusif de la culture de ces arbres précieux.

Il paroît démontré que les chinois sont le premier peuple qui ait cultivé le mûrier, & élevé le ver à soie ; de chez eux, sa culture a passé en Perse, & de-là dans les îles de l’Archipel. Sous l’empereur Justinien, des moines apportèrent en Grèce les semences du mûrier, & ensuite les œufs de l’insecte qu’il nourrit. Environ vers l’an 1540, on commença à cultiver cet arbre en Sicile & en Italie ; & sous Charles VII, quelques pieds en furent transportés en France. Plusieurs seigneurs qui avoient suivi Charles VIII dans les guerres d’Italie, en 1494, transportèrent de Sicile, plusieurs pieds en Provence, & sur-tout dans le voisinage de Montélimar. On dit qu’on y voit encore ces premiers arbres dans de vastes emplacemens des jardins de ses maisons royales. Il en fit distribuer les arbres dans les provinces, & il accorda une protection distinguée aux manufactures de soieries de Lyon, & de Tours. Henri II travailla à multiplier les mûriers ; mais Henri IV, malgré les oppositions formelles de Sully, établit des pépinières. Sous Louis XIII, cette branche d’agriculture fut né-