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mort des noyés, il n’est pas même aisé de dire comment ils peuvent avaler cette eau : ce qui les tue, c’est la suffocation par le défaut d’air, & l’eau qui s’insinue dans le poumon, & qui y est portée dans les mouvemens qu’ils font nécessairement & involontairement pour respirer après qu’ils sont sous l’eau ; car il n’entre absolument point d’eau dans l’estomac, ou le poumon de ceux qu’on met sous l’eau après leur mort. » Cette eau intimément mêlée avec l’air qui est dans le poumon, forme une écume visqueuse, sans ressort, qui empêche absolument les fonctions de ce viscère, & par-là le malade est suffoqué ; de plus, le sang ne pouvant pas revenir de la tête, les vaisseaux du cerveau se remplissent : & l’apoplexie se joint à la suffocation.

L’eau qui entre dans le poumon ne doit pas être regardée comme une seconde cause générale de la mort des noyés ; & l’on en trouve beaucoup dans lesquels elle ne paroît pas avoir existé, & qui ont péri uniquement par la suffocation ; c’est aujourd’hui le sentiment le plus suivi, le plus probable & le plus conforme aux expériences rapportées par Waldsmicht, desquelles il résulte qu’il n’entre pas une goutte d’eau dans la poitrine : Beker, médecin d’Asseld, a mis cette vérité dans le plus grand jour, Détharding s’en est convaincu par l’ouverture des cadavres retirés de l’eau. Sennal, Morganni, Haller, de Haen, cités par M. Gardane, ayant examiné le même sujet, n’ont point trouvé d’eau dans la poitrine des noyés, & M. Gardane lui-même, qui a noyé des chiens dans l’eau colorée avec de l’encre, n’en a pas trouvé une seule goutte dans la poitrine ; mais il a observé une certaine quantité d’écume dans le trajet de la trachée-artère, sans qu’un seul point de cette capacité fût teint en noir.[1] Après avoir disséqué ces parties, il a remarqué quelques points noirs sur la base de l’épiglotte, beaucoup sur la langue qui étoit (à la vérité) en grande partie hors de la gueule de ces animaux. Les secours qu’on donne aux personnes noyées, sont de deux espèces ; les uns utiles, & les autres inutiles, ou pour mieux dire, nuisibles.

Dans cette dernière espèce, on doit comprendre les vomitifs & l’usage où l’on est de suspendre par les pieds, les noyés, dans la vue de leur faire évacuer les eaux contenues dans l’estomac & dans le poumon. S’il est prouvé, par les expériences multipliées, qu’il n’en entre aucune goutte dans ce dernier viscère, & que le plus souvent il n’y en a point dans l’estomac, ce moyen doit être absolument proscrit, puisqu’il augmente l’engorgement de la tête & du poumon. Il est étonnant que de Haen recommande une méthode aussi meurtrière, & veuille qu’on roule, dans, un tonneau, le cadavre du noyé ; outre qu’elle fait perdre un temps précieux, elle expose le noyé au plus grand de tous les dangers.

Le premier secours consiste à dé-

  1. Par les expériences de MM. Faissoles & Champeau, il est démontré que l’eau écumeuse des poumons étoit colorée suivant la teinture dans laquelle les animaux avoient été noyés. C’est un point de fait dont plus de dix fois j’ai été témoin.