Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

infaillible de le multiplier sans variation. Je sais qu’il reprend en approche. L’ente réussit aussi quelquefois, lorsqu’on l’exécute avec les précautions indiquées pour l’ente du marronnier franc ; » c’est-à-dire en fente ou sifflet. (Voyez Fig. 12, Pl. XV. pag. 344. Tom. V.) Il résulte de ces citations, que leurs auteurs regardoient cette greffe presque comme impossible, ou du moins comme très-difficile. On ne peut attribuer le manque de réussite au défaut de lumières & de manipulation des deux auteurs, je me fais un vrai plaisir de leur rendre toute la justice qui leur est due, & le tribut de louanges qu’ils ont si bien mérité. Je crois qu’on devroit plutôt attribuer au climat le manque de succès. Cette idée n’est pas si étrange qu’elle le paroît. M. Daubenton cultivoit à Montbard, M. Tschoudi, dans les environs de Strasbourg, pays très-froids, comparés aux cantons du royaume où le noyer réussit le mieux. On doit se ressouvenir qu’il est originaire de Perse, & qu’ainsi il doit moins bien réussir dans le nord que dans le midi du royaume, ou dans les provinces qui l’avoisinent. M. le baron de Tschoudi a réussi quelquefois ; ce commencement de succès devroit encourager les autres amateurs, & sur-tout les pépiniéristes, à multiplier l’espèce tardive. Dans les environs de Paris on fait peu d’huile de noix ; on consomme ce fruit en cerneaux ou frais ou secs ; voilà pourquoi la culture & la conduite du noyer ont moins été suivies & étudiées, & cet arbre y est peu commun. Il seroit à désirer que les seigneurs de paroisse fissent venir des pieds du noyer tardif, & lorsqu’ils produiroient du fruit, qu’ils le distribuassent à leurs vassaux, afin de les engager à les semer. Il seroit plus généreux & plus profitable pour eux & pour les habitans de leurs seigneuries, qu’ils fissent des pépinières, & qu’ils leur en distribuassent les arbres gratuitement. Tout cultivateur qui améliore son champ, travaille autant pour lui que pour le seigneur ; mais revenons à la greffe du noyer en attendant que nos vœux soient exaucés par les seigneurs bien-faisans.

La méthode de la greffe en sifflet est aujourd’hui pratiquée par tous les cultivateurs des environs de Grenoble, de Romans, le long de la rive du Rhône, dans la partie du Dauphiné. Dans cette province, on ne cultive en général que deux espèces de noyers ; la mésange qu’on peut appeler noyer de mars, & la tardive, noyer de mai, parce qu’elles y fleurissent à cette époque. Il vaut mieux cependant leur conserver leur dénomination ordinaire, puisque les époques des fleuraisons suivent la nature du climat. La méthode de la greffe commence même à s’introduire dans les environs de Genève, dans la Suisse, &c.

L’époque à laquelle il convient de greffer les arbres de la pépinière, est lorsqu’ils sont en pleine sève. On choisit les meilleures branches du sommet, au nombre de trois ou quatre, & on supprime les autres. On peut également greffer de très-gros noyers, la première ou la seconde année après qu’ils ont été couronnés. Les semis ainsi greffés, n’ont plus qu’à se fortifier dans la pépinière. On fera très-bien de ne les en tirer que lorsqu’ils auront, dans le milieu de la tige, cinq à six pouces de diamètre, & de rejeter rigoureusement tous ceux qui seront