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appellés anglois, il ne peut exister d’objets de convention, puisque tout doit y être naturel, subordonné au site, à ses accidens & aux objets qui l’environnent.

Le lecteur peut à présent comparer les différentes espèces de jardins, & choisir celle qui sera le plus conforme à son goût.


JARDINAGE. Terme collectif, par lequel on désigne plusieurs jardins placés dans un même lieu. Il se dit encore de l’art de cultiver les jardins ; & dans plusieurs, on appelle jardinage la masse des légumes qu’on porte aux marchés.


JARDINIER. Homme qui cultive & soigne les plantes d’un jardin. Cette définition suffiroit au temps passé ; mais elle est trop générale aujourd’hui. On doit distinguer le jardinier maraîcher, ou celui qui ne s’occupe que de la culture des légumes ; le jardinier-tailleur d’arbres fruitiers, le jardinier pépiniériste, le jardinier décorateur, ou qui est spécialement chargé de l’entretien des bosquets, des boulingrins, de la route, des palissades, & enfin du jardinier pastelliste ou fleuriste. Rien de si commun que les jardiniers en tous les genres, & cependant rien de si rare qu’un bon jardinier. En effet, où peut-il avoir appris son métier ? chez son père, chez son maître ? Mais si l’un & l’autre n’ont pour guide que la routine, l’élève ne saura rien de plus ; s’il a de l’imagination, s’il sait observer, combien d’années ne s’écouleront pas avant qu’il ait acquis une pratique sûre ! en attendant, vos arbres seront mutilés, votre potager ruiné, & vos bosquets détruits. Un garçon se marie, le voilà aussitôt jardinier de profession, & il cherche à se placer, & croit savoir son métier. Nous avons des écoles jusques pour l’art de la frisure, & aucun maître pour l’agriculture & pour les jardins. Un artiste s’instruit en voyageant ; le jardinier est sédentaire & s’écarte peu du lieu qui l’a vu naître : ce sont donc toujours les mêmes exemples, les mêmes routines qu’il a sous les yeux. Si, à l’imitation des artisans, il veut voyager & parcourir les différentes provinces de France, il n’est guère plus avancé à son retour qu’à son départ, parce que les bons exemples lui manquent, parce qu’il ne trouve pour instituteur que des hommes pauvres, qui cherchent moins la perfection de leur état, qu’à vivre de leur travail. Les environs de Paris pour les légumiers, Montreuil & les villages voisins pour les arbres fruitiers, Ermenonville pour les jardins naturels ou à l’angloise, sont les seules écoles à fréquenter. Quant aux parterres, bosquets & autres genres factices, on en voit par-tout ; c’est la partie où les jardiniers réussissent le moins mal, parce que tout y est soumis à la règle & au cordeau.

Un jardinier, quel que soit son genre, doit être fort, adroit, intelligent, actif, ami de la propreté, de l’ordre & de l’arrangement ; aimer son jardin comme on aime sa maîtresse ; admirer ses productions, se complaire dans son travail, être toujours à la tête des ouvriers, le premier au jardin & le dernier au logis, faire faire chaque soir la revue des ou-