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dédain. De ce temple, la vue se porte immédiatement sur un charmant vallon traversé par une rivière, dont le côté le plus éloigné est un vaste tapis verd 32 triangulaire, en plan incliné, coupé très-irrégulièrement, parsemé de quelques arbres, couvert de troupeaux, & terminé au sommet par le Temple des Dames. Les principaux objets de ce point de vue sont d’ailleurs le temple gothique, le pont de Palladio, la colonne Cobham, & le château antique qui est dans le parc. L’angle des jardins, qui est peu éloigné du temple de l’Amitié, est marqué par une belle grille de fer 33, élevée de toute sa hauteur au-dessus de la terrasse : cette porte est le passage pour aller à l’ancien château.

Descendez dans le vallon, le long de la terrasse du levant, qui est la plus irrégulière, & vous trouverez bientôt un très-beau pont, appellé le Pont de Pembroch 34, ou le pont de Palladio, parce qu’il est construit selon la manière de ce dernier. Ses deux extrémités offrent deux élégantes balustrades qui se continuent dans les entre-colonnes : le plafond soutenu par des colonnes ioniques, est divisé en quatre ceintres sculptés en grands hexagones : les quatre coins intérieurs sont ornés de vases de plomb dorés. On voit de dessus ce pont la principale rivière serpenter dans les jardins & dans le parc, & ses bords couverts de troupeaux qui viennent s’y désaltérer. Les autres points de vue sont une ferme, le château gotique, le temple de Vénus, l’arc d’Amélie, & le temple de l’Amitié.

Après avoir traversé le pont, continuez la même allée 35 le long du tapis verd, dont l’élévation est très-sensible, jusqu’à ce que vous arriviez à un temple 36 rougeâtre, qui se voit de très-loin, parce qu’il est situé sur une éminence : il est bâti d’un grès fort tendre & fort rouge, & sa forme imite parfaitement celle des anciens temples du treizième & du quatorzième siècle. On l’appelle le Temple Gothique. Tout est dans le goût antique, les portes, les vîtreaux, les tours, les ornemens. On monte par un escalier fort usé à une galerie qui forme un second étage, & de-là jusqu’au haut d’une grosse tour, d’où l’on découvre tout le pays d’alentour à la distance de plusieurs milles. Ce temple a soixante dix pieds de haut. Le dôme est orné des armes de la famille des Grenville. On lisoit autrefois sur la porte d’entrée, ce vers de Corneille :

Je rends grâces aux Dieux de n’être pas Romain.


L’extérieur a trois faces semblables, & chaque angle a une tour pentagone, dont celle qui est tournée au levant est la plus élevée, & surmontée de cinq petites flèches avec des croix : les autres ont de petits donjons à cinq fenêtres ; chaque façade a sept portes & autant de fenêtres vitrées. Au levant & à quelques toises du temple, on a placé en demi cercle sur le gazon les sept divinités saxones, qui ont donné leurs noms aux jours de la semaine chez les Anglois. Ces statues sont en pierre & du ciseau de Risbrack, célèbre sculpteur. Le lord Cobham les avoit placées dans le boccage 15 autour d’un autel rustique : c’étoit observer le costume, & ne pas mêler le sacré avec le profane. Derrière ces statues, il y a une porte d’entrée qui s’ouvre