Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/778

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voudroient pas manger, s’ils se mêloient avec la litière & le fumier. On fait ces auges avec des voliges ; on peut leur donner six pouces de profondeur, un pied de largeur au-dessus, & six pouces au fond. Lorsqu’on veut donner aux moutons des racines, du grain ou d’autres choses qui passeroient à travers les râteliers, on les met dans les auges.


§. IV. Si les moutons peuvent résister aux injures de l’air dans les hivers les plus forts, sans être à couvert dans un parc domestique.

La laine dont les moutons sont vêtus, les défend assez des injures de l’air : elle a une sorte de graisse, que l’on appelle le suint, qui empêche pendant long-temps la pluie de pénétrer jusqu’à sa racine ; de sorte que les flocons ne sont ni froids, ni mouillés près de la peau, tandis que le reste est chargé d’eau, de glace, ou couvert de givre ou de neige. Lorsque les moutons sentent qu’il y a trop d’eau sur leur laine, ils la font tomber en se secouant. Ils peuvent se débarrasser de la neige par le même mouvement ; mais quand ils en seroient couverts, quand même ils s’y trouveroient enfouis pendant quelque temps, ils n’y périroient pas. M. d’Aubenton a fait cette épreuve près de la ville de Montbard, dans sa haute Bourgogne, d’abord sur une douzaine de bêtes à laine, & ensuite pendant quatorze ans, depuis 1767, jusqu’en 1785, sur un troupeau d’environ trois cents bêtes, qui n’ont eu d’autre logement pendant ce temps qu’une basse-cour fermée de murs. Les râteliers sont attachés aux murs sans aucun couvert, les brebis y ont mis bas ; les agneaux y sont toujours restés, & toutes les bêtes s’y sont maintenues en meilleur état qu’elles n’auroient fait dans des étables fermées, quoiqu’il y ait eu pendant le temps de leur séjour à l’air, plusieurs années très-pluvieuses, & des hivers très-froids, en particulier celui de 1776. On sait d’ailleurs qu’en Angleterre, les bêtes à laine restent en plein champ pendant tout l’hiver. Il y en a eu dans ce pays-là qui ont passé plusieurs jours enfoncées sous la neige & qui en ont été retirées saines & sauves ; mais dans la saison où les brebis agnèlent, les bergers veillent pendant les nuits froides, pour empêcher que les agneaux ne gèlent, principalement ceux des mères jeunes, foibles ou mal nourries : cet accident est peu à craindre, lorsqu’on n’a donné le bélier aux brebis qu’en octobre. Avant d’exposer un grand troupeau en plein air, on peut faire un essai sur un petit nombre de bêtes, comme on l’a fait en Bourgogne.

Les parties du corps des moutons sur lesquelles il n’y a point de laine, telles que les jambes, les pieds, le museau & les oreilles, ne pourroient, point résister au grand froid, si ces animaux ne sa voient les tenir chaudes. Étant couchés, sur la litière, ils rassemblent leurs jambes sous leurs corps en se serrant plusieurs les uns contre les autres, ils mettent leur tête & leurs oreilles à l’abri du froid, dans les petits intervalles qui restent entr’eux, & ils enfoncent le bout de leur museau dans la laine. Les temps où il fait des vents froids & humides, sont les plus pénibles pour les moutons exposés à l’air ; les plus foibles tremblent & serrent les jambes, c’est-à dire, qu’étant debout, ils ap-