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les feuilles de ces plantes qui sont hautes, & que la neige laisse à découvert dans les temps où elle couvre le pastel & la pimprenelle. Ces plantes seroient mauvaises pour les moutons dans la bonne saison, lorsqu’ils ne mangent que de l’herbe fraîche ; mais dans l’hiver, lorsqu’ils n’ont soir & matin que du fourrage sec, elles ne peuvent que leur faire du bien. Outre ces plantes, on peut avoir encore des racines de carotte, de panais, de salsifix & de chervi ; des raves & des navets, des pommes de terre & des topinambours.

§. III. Ne peut-on pas donner aux moutons des choses plus nourrissantes que ces racines ?

On donne encore aux moutons des grains, des graines & des légumes. Les grains, tels que l’avoine, l’orge & le son de froment leur profitent beaucoup ; une petite poignée d’orge ou d’avoine, donnée chaque jour à un mouton, suffit pour le préserver du mauvais effet des fourrages d’hiver ; les graines de la bourre du foin, du chenevis, la graine de genêt, les glands, le pain ou tourteau de chenevi, de navette & de colza sont très-nourrissans. Parmi les graines de ces sortes de plantes, il s’en trouve qui fortifient l’estomac des moutons, & qui aident à la digestion. Le chenevis réchauffe, & il donne des forces aux animaux ; il les anime pour l’accouplement : les glands sont nourrissans, mais ils donnent le dévoiement aux bêtes à laine, & ils les altèrent lorsqu’elles en mangent beaucoup ; il ne faut leur en donner qu’une fois par jour & en petite quantité. Les pains ou tourteaux de chenevis, de navette, de colza, de noix & de lin, ne sont autre chose que le marc qui reste après que l’on a tiré l’huile de ces substances ; le pain de chenevis nourrit, réchauffe & anime les moutons, mais il les altère & leur donne le dévoiement lorsqu’ils en mangent en trop grande quantité ; le pain de navette & de colza les échauffe & les altère moins que celui de chenevis : le pain de graine de lin & de noix les nourrit & les engraisse plus que les autres pains.

Les légumes que l’on donne aux moutons sont les féveroles & les vesces ; on pourroit aussi leur donner des lentilles, des pois & des haricots, lorsqu’il y en a de reste pour la nourriture des hommes.

Les moutons mangent aussi des lupins, après qu’on les a fait tremper dans l’eau pour en ôter l’amertume.

§. IV. Des gerbées & des feuillées que l’on donne aux moutons dans la mauvaise saison.

Les gerbées sont des bottes de paille battue, dans laquelle on a laissé du grain, ce qui fait que ces gerbées sont une très-bonne nourriture.

La gerbée d’avoine est la meilleure, parce que le grain & la paille y sont plus tendres, & par conséquent meilleurs que dans les gerbées de seigle, d’orge & des grains mêlés que l’on appelle brelée. Dans quelques pays, les gerbées de froment & de méteil, ou conseau ou conseigle, qui est un mélange de froment & de seigle, seroient les meilleures de toutes ; mais les grains sont trop chers, ils