Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/757

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour paître : cet exercice entretient leur vigueur.

§. II. Pourquoi ne pas laisser paître les troupeaux en liberté dans les pâturages clos, comme dans ceux des champs ?

Les bêtes à laine gâteroient plus d’herbe avec les pieds qu’elles n’en brouteroient, si on les laissoit parcourir en liberté un pâturage abondant. Pour conserver l’herbe, on ne livre chaque jour au troupeau que celle qu’il peut consommer ; on le retient dans un parc où il se trouve assez d’herbe pour le nombre des moutons ; le lendemain on change le parc, & successivement le troupeau parcourt tout le pâturage.

§. III. Pourquoi éviter les terreins humides ?

Quoique les terreins humides soient ceux où l’herbe est le plus abondante, l’humidité est contraire aux moutons, lorsqu’il y en a trop dans le sol qu’ils habitent ou qu’ils parcourent, & dans les herbes aqueuses qu’il produit. Cette humidité, lorsqu’elle est froide comme celle des rosées, peut causer la maladie appellée la pourriture, le foie pourri, la maladie du foie, le gamer ou gamige. (Voyez ces mots) L’humidité cause aussi aux moutons des coliques très-dangereuses ; leur instinct les porte à attendre d’eux-mêmes dans les champs, avant de pâturer, que la rosée ou la gelée blanche soient dissipées.

Ordinairement la rosée est plus froide que la pluie ou le serein ; les bêtes à laine pâturent avec moins d’appétit lorsque l’herbe est mouillée, excepté dans les temps où la pluie, arrivant après une grande sécheresse, humecte l’herbe, & la rend plus douce & plus appétissante.

§. IV. Pourquoi faut-il mettre les bêtes à laine à l’ombre, & les faire marcher le matin du côté du couchant, & le soir du côté du levant ?

On met les moutons à l’ombre, parce que la grande chaleur est plus à craindre pour eux que le grand froid ; leur laine, qui empêche que l’air ne les refroidisse en hiver, empêche aussi que l’air ne les rafraîchisse en été, & n’augmente la chaleur de leur corps au point de les empêcher de pâturer ; c’est pourquoi il faut les mettre à l’ombre durant la grande ardeur du soleil, qui les échaufferoit beaucoup trop sous leur laine ; d’ailleurs, ces animaux ont le cerveau foible, les rayons du soleil tombant à plomb sur leur tête, peuvent leur causer des vertiges (Voyez Vertige, Tournoiement) qui les font tourner, & le mal, appellé la chaleur, qui les fait périr promptement, si l’on n’y remédie par la saignée : il faut les mettre à l’ombre d’un mur ou d’un arbre dans le milieu du jour ; le matin on doit les conduire du côté du couchant, & le soir du côté du levant, pour que leur tête soit à l’ombre du corps, tandis qu’elles la tiennent baissée en pâturant.

Mais, me dira-t-on, lorsque les moutons se serrent les uns contre les autres, & que chacun d’eux baisse le cou & place la tête sous le ventre de son voisin, n’est-elle pas suffisamment