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tude & l’excellence de leurs moulins, ils ne pourroient pas soutenir la concurrence dans cette branche de commerce, avec le Brabançon & le François. En effet, le Hollandois vient acheter nos graines, particulièrement celles de lin, jusques dans les provinces méridionales de France, sans parler de celles qu’il achète à Bordeaux, à la Rochelle, à Nantes, à Dunkerque, &c.[1]. Il a donc à supporter le prix de l’achat, & par conséquent, le bénéfice de celui qui vend la graine, les frais de chargement, de déchargement, de fret, &c. & ceux de la main d’œuvre beaucoup plus hauts chez lui qu’en France. Malgré cela, il donne les huiles de graine au même prix qu’en France, & même quelquefois à un prix inférieur.

À ces considérations, il convient d’en ajouter encore une autre ; c’est la dépense considérable qu’il fait nécessairement pour la construction de ses moulins. Le Hollandois ne regarde jamais à la mise première, lorsqu’elle doit assurer la solidité & la durée. Par-tout, il est obligé de fortement piloter pour bâtir, & le pays ne fournit pas un seul arbre capable de se conserver sous terre & dans l’eau. Il est donc forcé de recourir à l’étranger pour les bois de pilotage. Il l’est également pour tous les bois de construction, de charpente, & même pour le bois destiné à faire des planches. S’il bâtit, c’est en briques, & la brique est fort chère en Hollande ; enfin, l’on voit à Amsterdam, près la porte d’Utrecht, un moulin piloté, bâti en brique & fort élevé, pour gagner le vent, qui a coûté plus de 80000 liv. de notre monnoie. On sent bien que tous les moulins à huile de la Hollande ne coûtent pas à beaucoup près autant que celui-ci. Je ne cite cet exemple que pour prouver quel doit donc être le produit pour couvrir les intérêts de la mise de construction, la différence du prix auquel les graines reviennent, & la hausse de la main d’œuvre. Cependant, le Hollandois soutient la concurrence avec nous, si elle n’est pas déjà à son avantage.

Tout concourt donc à prouver les avantages que les Flamands, les Artésiens et les Picards auroient en adoptant ce moulin. Il serviroit avec le même succès dans l’intérieur de ce royaume, pour la mouture des noix, objet d’une prodigieuse consommation. Combien n’y a-t-il pas de provinces dans le royaume où la seule huile de noix est en usage !

Des Provinces septentrionales, passons à celles du midi, et faisons l’application de ce moulin pour les huiles d’olives de Languedoc, de Provence et de Corse. Les meules qu’on

  1. Dans les Pays-Bas Autrichiens, il est défendu, sous quelque prétexte que ce soit, de sortir des graines à huile, pour que toute l’huile soit fabriquée dans le pays. La seule Châtellenie de Lille fait, année commune, de trente-six à quarante mille tonnes d’huile (la tonne contient 200 livres, poids de marc) de graines quelconques, dont au moins, les trois quarts de celle de colsat, environ un huitième de celle de lin, environ un huitième de celle d’œillet. Ceux qui ont vu la quantité de lin cultivé dans cette Châtellenie, conviendront que les Lillois vendent aux Hollandois ou aux Brabançons, au moins la moitié de leurs graines de lin. Avec de meilleurs moulins, ils seroient dans le cas d’acheter des graines, & non pas d’en vendre.