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bien entendue, qu’on n’aperçoit aucun frottement dur ; en un mot, chaque pièce est dans son genre aussi bien travaillée, aussi bien proportionnée que le sont les rouages & les autres pièces de nos montres. Ceux qui ne connoissent pas les machines hollandoises, diront que ce témoignage tient de l’enthousiasme ; j’y consens, & j’ajouterai encore, que dans le silence du cabinet, je ne puis me lasser d’admirer la simplicité & la perfection du mécanisme de ce moulin ; cependant, la description en sera longue, parce qu’il est plus difficile de décrire toutes les parties pour les faire comprendre, que de se les représenter à l’imagination.

Les objets d’utilité réelle gagnent de proche en proche, & pour cela il faut du temps ou des circonstances heureuses. Le Brabançon, lié intimément par son commerce avec le Hollandois, a commencé à adopter son moulin à graines : celui de Gand mérite d’être examiné par les voyageurs ; & comme il est nouvellement construit, il a presque toutes les perfections de ceux de Hollande. Le genre de moulin que je décris, est prodigieusement multiplié en Hollande, & c’est aujourd’hui le seul qui y soit en usage ; il n’y varie que par un peu plus ou par un peu moins de perfections.

La Hollande & le Brabant sont à la porte de nos provinces septentrionales ; & froids sur nos véritables intérêts, nous regardons avec indifférence, ou plutôt, nous ne savons pas voir ce qui augmenteroit nos richesses. L’homme qui ne peut pas apprécier une machine, & dont les connoissances sont bornées, devroit faire le raisonnement suivant, qui est à la portée de l’homme le moins instruit, puisqu’il s’agit de ses intérêts. « Le Hollandois sait compter & calculer le produit & la dépense ; il a l’œil ouvert jour & nuit sur le plus léger intérêt, il tire le fin du fin. Or, s’il a généralement adopté ce moulin, quoique plus dispendieux que celui de ses voisins, ce moulin doit donc donner un plus grand bénéfice ? Mais, pour qu’il donne un plus grand bénéfice, il faut donc que le travail aille plus vite, que la main-d’œuvre soit diminuée ; que l’huile soit extraite des graines en plus grande quantité ; car il ne peut y avoir que ces objets qui assurent un bénéfice, & qui couvrent l’intérêt pour la mise des frais de construction ? Pourquoi ne retirerai-je pas comme lui ce bénéfice » ? Ce raisonnement est bien simple, & tout simple qu’il est, nous ne l’avons pas encore fait, nous dont le terrein produit abondamment les graines à huiles, avantages que n’ont pas les Hollandois ; nous qui avons la simplicité de leur vendre ces mêmes graines, tandis que nous rachetons d’eux l’huile qu’ils en fabriquent. Cet aveu est humiliant pour la Nation ; mais il n’en est pas moins vrai. Comme ces vues de commerce ne sont pas de ma compétence, je ne m’y arrêterai pas davantage, & je reviens à des observations préliminaires sur le moulin dont il est ici question.

En Hollande, dans le Brabant, en Flandres, en Artois, &c. ces moulins ont le vent pour moteur.