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qui a des propriétés, & qu’on se procure en pressant le grain entre deux lames de fer chaud : de même, cette mouture grossière étant rapide & fort serrée, elle échauffe le grain & fait sortir l’huile du bled ; la farine, tamisée sur le champ, lorsqu’elle est encore brûlante & grasse, ne peut se détacher du son, ce qui le rend gras. Le bluteau ne pouvant débiter aussi vite que les meules, on éprouve un déchet & une perte d’autant plus considérables, que le bluteau est plus fin. Un septier de bled de deux cent quarante livres ne rend souvent que quatre-vingt dix livres de farine, au lieu de cent soixante-quinze à cent quatre-vingt qu’il pourroit produire. Si, au contraire, le bluteau est gros & ouvert, le son passe avec les recoupes & les gruaux bruts, ce qui rend le pain lourd, brun, indigeste, difficile à lever & à cuire, &c.

Les inconvéniens de la mouture rustique, & les pertes qu’elle entraîne, l’ont fait abandonner à Paris & dans plusieurs provinces, sur-tout par les boulangers. On a préféré avec raison la mouture en grosse, qui consiste à faire moudre le grain sans bluteau. À la sortie des meules, on ensache le son pêle-mêle avec la farine, & l’on rapporte tout le produit à la maison, où l’on est d’obligation de le tamiser & bluter à la main.

Cette mouture en grosse, quoique moins défectueuse que la précédente, occasionne cependant bien des pertes, sans parler de celles qui viennent de la mauvaise mouture, parce que les meuniers ont intérêt d’expédier l’ouvrage. On peut même ajouter que le prix des moutures n’ayant augmenté que de très-peu, ou même de rien du tout en plusieurs lieux, malgré le surhaussement des baux, de l’impôt & de toutes les denrées, les meuniers les plus honnêtes se trouvent forcés de hâter l’ouvrage, & de ne broyer les grains qu’à moitié, pour se trouver au pair. Mais, pour se restreindre aux seuls inconvéniens de la mouture en grosse, il doit se trouver une grande variation dans les produits, suivant les différentes manières de bien ou mal sasser ou bluter. On sent de reste, que le pauvre & l’artisan, obligés de vivre au jour le jour, & d’acheter le bled à la petite mesure, ne fassent qu’une fois par un tamis de même grosseur, sitôt que la farine encore chaude est arrivée du moulin, & qu’ils essuient à-peu-près la même perte, le même déchet que dans la mouture rustique. Le bourgeois, qui laisse reposer & refroidir la farine, en ne la faisant bluter qu’à mesure de l’emploi, dans une bluterie dont le sas est de trois grosseurs, fait bien moins de perte ; mais il en essuie toujours beaucoup, sur-tout en confiant le soin de la bluterie à des servantes & à des domestiques ignorans. Les boulangers, qui font moudre à la grosse, sont ceux qui savent tirer le meilleur parti de cette méthode, par une bluterie bien entendue & bien conduite. Ceux de Paris sur-tout excellent dans cet art.

Le commerce a aussi contribué à perfectionner la mouture en grosse dans les provinces méridionales, où l’on fabrique les farines de minot, ainsi nommées du nom des barriques dans lesquelles on les envoie aux Isles. Avant de faire moudre le grain dans la mouture méridionale, on a soin d’adoucir les meules en les faisant travailler pour le pauvre, ou