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II. Des anémones & des renoncules. Je ne sais pourquoi, aux environs de Paris, on donne la préférence aux renoncules sémi-doubles sur les renoncules complettement doubles ; chacun a sa manière de voir, je préfère les dernières. Dans le nord, on plante les griffes à la fin de février, lorsque l’on ne craint plus les fortes gelées. Dans les provinces du midi, il faut absolument les planter en octobre ou au commencement de novembre, les garantir pendant l’hiver de la neige, (s’il en survient) au moyen des paillassons ou avec de la paille longue. Si on plante plus tard, on court les risques de perdre beaucoup de griffes, & à coup sûr on n’aura que de chétives fleurs. Les anémones se plantent comme les renoncules.

Ces généralités sur le temps de semer & de planter, doivent suffire pour le moment, parce qu’à chaque article en particulier sont indiqués la manière & le temps convenable aux différentes plantes.

Il seroit superflu de tracer ici le plan du jardin d’un fleuriste ; tout plan suppose la connoissance du local, de ce qui l’accompagne, de sa position, de ses points de vue, &c., & ces plans seroient trop généraux, & pourroient ne convenir à aucune situation particulière. Les gens très riches sont les seuls qui attachent une certaine importance à cette espèce de jardin. Le fleurimane ne voit que fleur, ne parle que fleur, le reste lui est indifférent ; la division de son jardin consiste dans des quarreaux placés à côté les uns des autres, communément bordés par des briques de champ, & non par des buis ou telles autres plantes dont les racines affameroient les plantes voisines, & qui serviroient de retraite à une multitude d’insectes destructeurs. La devise de son jardin est : Argus esto, sed non Briareus ; ou bien : soyez tous yeux, & n’ayez point de mains. En effet, ses fleurs sont plus précieuses pour lui que la richesse. Chacun a sa jouissance & sa marotte.

CHAPITRE V.

Des jardins de propreté ou de plaisance.

C’est ici où le luxe s’unit à la belle nature, où les arts s’empressent d’étaler leurs plus riches productions ; où la main habile du jardinier donne des formes symétriques à ses arbres, & en tient captives les branches, en un mot, où tout est décoré, paré, embelli & fait tableau.

L’ennui naquit un jour de l’uniformité.

Ce vers devroit servir d’épigraphe à nos jardins. En effet, une symétrie monotone y régne de toute part ; toujours des lignes droites, des allées à perte de vue, des bosquets maniérés, le feuillage des arbres soumis aux ciseaux, en tout & partout la nature contrariée & forcée. Nous ne la voyons dans nos jardins que comme une vieille coquette qui doit son faux éclat aux frais immenses d’une toilette rafinée. Le premier coup d’œil frappe, le second est plus tranquille, au troisième l’illusion cesse, l’art paroît, & le prestige s’évanouit. Cela est si vrai, qu’on s’ennuye bientôt des jardins artistement symétrisés, leurs propriétaires préfèrent la promenade des champs à celle de leurs parcs, ils y découvrent une agréable simplicité, une variété