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acquiert la consistance nécessaire quand il a été convenablement délayé ; & je me suis bien convaincu que c’est de-là que dépend constamment le succès de l’opération. »

» Les moyens de rendre la préparation de ce mortier moins dangereuse, plus économique & plus sûre, ne peuvent être indifférens. Celui que je propose réunit tous ces avantages ; il consiste à laisser éteindre la chaux à l’air libre, en lieu couvert, jusqu’à ce qu’elle soit tombée en farine ou poussière impalpable, & à la recalcifier ensuite à mesure que l’on en a besoin, dans un petit four fait exprès avec des briques. »

» 1°. Je dis que cette préparation sera bien moins dangereuse que l’autre. C’est le danger auquel sont exposés les ouvriers en pilant la chaux vive qui m’a fait naître cette idée ; la poussière qui s’élève dans cette opération leur cause des picotemens, des irritations dans la gorge, une toux cruelle, des saignemens de nez, &c. Le danger n’est pas moins considérable lorsqu’il faut bluter ou tamiser cette chaux ; le mouvement volatilise les parties les plus subtiles, & tous ceux qui ont quelquefois manié de la chaux en poudre, savent bien qu’il en émane une forte odeur nauséabonde, aussi incommode que mal-faisante. Que l’on ne dise pas que les ouvriers pourront se couvrir la bouche, comme on le pratique dans les ateliers où cette opération se répète habituellement, cette précaution remédie très-peu aux accidens, & rend le travail plus pénible, puisque la respiration est cruellement gênée. »

» 2°. Je dis que l’opération sera plus économique. Supposons que l’on ait besoin d’un muid de chaux vive en poudre, c’est tout ce que pourront faire dans une journée huit hommes vigoureux, exercés à ce travail, même en admettant qu’il puisse être continu, que de la pulvériser & de la passer au tamis & au bluteau ; il en coûtera au moins 10 livres pour sa préparation, & c’est au prix le plus bas… Pour préparer à ma manière la même quantité, il faut tout au plus un travail de six heures d’un seul ouvrier, & le quart d’une corde de bois, ou l’équivalent en fagotage : la valeur de ce bois ne peut monter à 10 livres en quelque pays que ce soit. »

» On commencera par construire un four, à-peu-près dans la forme des fours de fonderie, ou plutôt des fours à fritte. (Voyez dans le dictionnaire encyclopédique, article Forges, manufactures de glaces) Ce four peut être de telle grandeur qu’on le jugera convenable, par rapport à la consommation de chaux vive ; mais comme c’est une matière dont on ne doit pas faire provision, & que le four une fois échauffé exige moins de bois pour les fournées successives, il y aura de l’avantage à le tenir dans de moindres dimensions. Pour le construire dans une proportion moyenne & commode, je lui donnerois quatre pieds de long, deux pieds de large, & un pied de haut, une forme ovale ou elliptique, je voudrois qu’il fût ouvert à ses deux extrémités ; une de ces deux ouvertures serviroit à la communication de la flamme, de la toquerie & du tisard ; l’autre seroit la bouche du four, par laquelle la flamme s’échapperoit dans la hotte de la cheminée, après avoir circulé dans l’intérieur ; c’est par-là que l’ouvrier introduira la chaux éteinte, la re-