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ou mal conditionné. Mais, afin que l’ouvrier ou le prix-fataire ne soit pas dans le cas de se plaindre, cette vérification, de la part du maître, doit être stipulée dans le concordat que l’on passe avec lui avant de commencer l’entreprise. Alors, s’il y travaille mal il est dans son tort, & il n’a aucun prétexte pour ne pas recommencer l’ouvrage lorsque ses défectuosités l’exigent. Après deux ou trois bonnes leçons dans ce genre, & lorsqu’il sera convaincu que le maître visite souvent ses travaux, on peut alors espérer que la maçonnerie sera solide, & c’est le seul & unique moyen pour atteindre à ce but.

On est aujourd’hui très-étonné de la dureté du mortier employé par les Romains ; les pierres cèdent plus facilement que ce mortier à la pince ou à l’effort de la poudre. À cet égard il convient de remarquer qu’un mortier bien fait acquiert, par le laps des temps, une solidité, une ténacité extrêmes ; en second lieu, que les Romains employoient des procédés, dont on trouve quelques traces éparses dans leurs écrits. La vue de leurs anciens travaux a fixé l’attention de M. Loriot, & l’a engagé à conclure que la solidité de leurs ouvrages ne tenoit ni à un avantage local, ni à une qualité particulière des matériaux ; mais qu’elle étoit le résultat d’un procédé particulier.

Ces monumens offrent pour la plupart des masses énormes en épaisseur & en élévation, dont l’intérieur masqué seulement par un parement presque superficiel, n’est évidemment formé que de pierraille & de cailloutage jetés au hasard, & liés ensemble par un mortier qui paroît avoir été assez liquide pour s’insinuer dans les moindres interstices, & ne former qu’un tout de cet amas de matières, soit qu’elles aient été jetées dans un bain de ciment ou de mortier, soit qu’arrangées d’abord, on l’ait versé sur elles.

L’art de cette construction consiste dans la préparation & l’emploi de ce mortier qui n’est sujet à aucune dissolution, & dont la ténacité est si grande, qu’il résiste aux coups redoublés du pic & du marteau. Les propriétés principales du mortier des Romains, sont, 1°. d’être impénétrable à l’eau : (le béton jouit aussi de cet avantage) 2°. de passer très-promptement de l’état liquide à une consistance dure ; 3°. d’acquérir une ténacité étonnante, & de la communiquer aux moindres cailloutages qui en sont imprégnés ; 4°. enfin, de conserver toujours le même volume, sans retraite ni extension. Ces propriétés ont fait supposer par le peuple, qui a toujours recours à l’extraordinaire pour expliquer les choses les plus simples, que les Romains employoient le sang, parce que leur ciment avoit quelquefois une teinte rougeâtre ; cette teinte est uniquement dûe à la brique pilée, qui lui a communiqué une partie de sa couleur. Quand ils n’employoient que le gravier & la pierraille, la couleur étoit alors blanche ou grise.

Voici la marche qu’a suivie M. Loriot pour connoître la base de ce ciment, & pour parvenir à l’imiter exactement. Il prit de la chaux éteinte depuis long-temps dans une fosse recouverte de planches, sur laquelle on avoit répandu une certaine quantité de terre ; de sorte que ce moyen avoit conservé toute la fraîcheur de