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rigé du côté de Narbonne, & de l’autre dans celui de Pézenas ; de manière que les environs de Béziers n’ont jamais que ce qu’on nomme la queue de l’orage. Les habitans les plus âgés de cette ville ne se rappellent d’y avoir vu tomber la grêle qu’une seule fois, & il y a plus de vingt ans. La cause réelle de la bifurcation de l’orage tient donc à l’espèce de promontoire de Béziers, & à la naissance de deux grands vallons latéraux. L’intérieur du royaume fournit mille traits semblables, auxquels on ne prend pas garde, & qu’il seroit important que connût celui qui veut acheter un bien de campagne.

Au mot Défrichement, j’ai fait voir l’abus criant de cultiver les montagnes trop inclinées, & la faute presque irréparable que l’on a commise en coupant les bois qui ombrageoient leur sommet. C’est une perte réelle pour l’agriculture, & elle s’étend beaucoup plus loin qu’on ne pense. Il en est résulté que le rocher est resté à nud, qu’il est impossible d’y semer du bois ; que les plaines se sont enrichies des débris des montagnes, & par conséquent exhaussées ; que les abris se sont abaissés, & que dans telle partie où l’on cultivoit des vignes ou des oliviers, on est aujourd’hui privé de ces productions. Une malheureuse expérience démontre que les pluies sont plus rares, & que les sources ne fournissent pas la moitié de l’eau qu’elles donnoient autrefois, parce que les nuages sont beaucoup moins attirés par une pique décharnée que si elle étoit couverte de bois. D’ailleurs, avec des bois l’eau suit l’enfoncement des racines, pénètre dans l’intérieur de la terre, tandis que le roc la laisse subitement échapper. Combien de prairies naturelles n’a-t-on pas été obligé de détruire, parce qu’il ne reste plus d’eau pour leur irrigation ? Cet abaissement des montagnes a déjà changé & changera encore l’ordre des cultures dans beaucoup de cantons. On dit que les saisons ne sont plus les mêmes, que les pluies sont moins fréquentes. Et pourquoi recourir à des explications qui n’expliquent rien, & ne démontrent pas la cause des effets ? Je dis à mon tour, les saisons n’ont point changé, cherchez-en la cause dans ce qui vous environne, & vous verrez que par une succession de temps, & par des travaux déplacés, les abris ne sont plus les mêmes, & ont singulièrement diminué depuis un siècle, & sur-tout depuis la faveur des défrichemens. Or, si les abris ne sont plus les mêmes, le canton moins boisé, il n’est donc pas étonnant qu’il y fasse plus froid, qu’il y pleuve plus rarement, que les vents y soient plus impétueux, &c.


MONTER EN GRAINE. Ce mot a deux significations dans le jardinage ; par la première, on désigne une plante qui commence à perdre ses fleurs, & qui est remplacée par sa graine. La giroflée, par exemple, allonge ses siliques après les fruits. La seconde signification désigne qu’une plante n’est pas plutôt semée qu’elle pousse, & que malgré sa jeunesse, elle fleurit & graine beaucoup plutôt qu’elle ne devroit. Par exemple, dans le climat de Paris, on peut semer des épinards depuis la fin de l’hiver presque jusqu’à son renouvellement ; mais dans, les provinces du midi & même dans plusieurs can-