Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de montagne qui s’embranche à leur extrémité d’un côte, avec celle des Cevennes, du Vivarais, &c. & de l’autre avec celles du Rouergue, &c. Lorsque la région supérieure de l’atmosphère de ces montagnes commence à se refroidir dans les mois d’octobre, novembre & décembre, & lorsque celle de la plaine est encore chaude, s’il survient dans ces trois mois un vent d’est, ou de sud, ou sud-est, qui traîne avec lui beaucoup de vapeurs qu’il enlève de la mer, cette humidité forme des nuages lâches, peu élevés, & qui ressemblent à de forts brouillards ; ils sont poussés par le vent, & attirés par la chaîne des montagnes. En supposant à ces nuages la température de six à dix degrés de chaleur, ils trouvent, en arrivant sur les montagnes, un atmosphère de quelques degrés au-dessous de la glace ; ce froid les condense, ils s’accumulent, & leur pesanteur spécifique devenant plus considérable que la force de l’air qui suffisoit auparavant pour les soutenir, ils se divisent en pluie si abondante, que vingt-quatre heures après les plaines sont couvertes par l’eau débordée des rivières, quoique souvent à peine quelques gouttes d’eau sont-elles tombées dans la plaine. On ne peut mieux comparer ce phénomène qu’à celui de la distillation dans un alembic où le froid condense les vapeurs dans la partie supérieure du chapiteau, & les réunit en un filet d’eau : tel est à-peu-près encore l’effet de la pompe à feu. Les nuages dont on parle, ne franchissent point cette chaîne de montagnes, toute la pluie tombe sur les premières en rang ; mais lorsque la région de l’atmosphère est assez chaude pour ne plus condenser ces nuages vaporeux, ils franchissent la chaîne sans laisser échapper que peu d’eau. Si l’atmosphère de la plaine est froid, si la neige couvre ces montagnes, les nuages passent au-delà, & vont augmenter la couche de neige sur les montagnes supérieures aux premières. Ce qui prouve exactement ces assertions, c’est que depuis janvier jusqu’en octobre, les ruisseaux, les rivières qui prennent leur source dans cette chaîne, ne débordent jamais ; tandis que souvent les rivières qui prennent leur source dans les Pyrennées, par exemple, débordent dans d’autres saisons & par d’autres vents. Il paroît que l’on peut expliquer de la même manière les crues subites du Rône toutes les fois qu’il règne un vent d’ouest, & que ce vent se propage jusques sur les Alpes, qui séparent le royaume de France des royaumes voisins. Ainsi, le même vent qui fait ici déborder une rivière, ne produit aucun effet, par exemple, à quelques lieues de-là ; parce qu’il ne se trouve pas les mêmes causes de condensation. D’après ces deux faits, auxquels on en pourroit joindre une infinité d’autres, il est facile à chacun d’en faire l’application au pays qu’il habite, & deviner pourquoi il pleut plus dans tel canton que dans un autre ; pourquoi tel vent est salutaire ou nuisible, &c. Je ne présente ici que des apperçus, c’est au lecteur à leur donner l’extension qu’ils jugeront propos ; il suffit de les mettre sur la voie.

Les montagnes sont une des grandes causes de la fécondité des plaines, puisque c’est d’elles qu’elles reçoivent les rivières, les ruisseaux, &c. Ces grandes élévations attirent les nuages, & l’air de leur région