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l’autre étoient deux gouttes de gelées très voisines : c’est comme s’exprimé M. Bonnet, une suite de points qui formeront dans la suite des lignes, ces lignes se prolongeront, se multiplieront, & produiront des surfaces. Combien n’est-il pas facile qu’en se prolongeant ainsi dans tout sens, deux ou plusieurs germes ne viennent à se toucher, à s’aboucher, à se greffer les uns contre les autres. Si cette réunion persiste durant le développement, le fœtus deviendra monstrueux dans l’ovaire de la plante même ; la germination animera de plus en plus cette monstruosité, & elle deviendra très-sensible dans la plante adulte.

D’après ce principe, on explique facilement la formation & l’existence des monstres par défaut, ou par excès. Si deux germes en se pénétrant, détruisent absolument les parties par lesquelles ils se pénètrent, le fœtus en sera privé, & voilà un monstre par défaut. Si, au contraire, ces parties ne font que se greffer, & subsistent assez isolées & indépendantes pour qu’elles soient sensibles : voilà un monstre par excès.

Il existe encore une autre cause de monstruosité, qui paroît avoir beaucoup plus d’influence dans le règne végétal que dans le règne animal, & qui ne dépend nullement de la pénétration de deux germes, mais seulement du simple développement d’une patrie du fœtus au dépens de ses voisines. Je suppose qu’un germe fécondé d’une rose, d’une renoncule ou de toute autre fleur, qui, de simple, peut devenir double par la culture, se développe & vive comme fœtus ; il peut se faire qu’il tire de la terre & de l’air une nourriture plus propre au développement des pétales que des étamines. Qu’arrivera-t-il ? Les pétales se développeront plutôt que les étamines ; & comme les germes se trouvent disséminés dans toute la plante, les étamines elles-mêmes pompant une nourriture qui convient plus aux pétales qu’à elles-mêmes, ne se changeront pas en pétales, comme on le dit communément, mais laisseront développer les germes de pétales qu’elles renferment, à leur propre détriment, de façon que les étamines ne paroîtront plus ; mais comme ces nouveaux pétales sont composées de deux espèces de germes, des germes d’étamines, & des germes de pétales, ces nouveaux pétales seront des monstres informes, qui tiendront plus ou moins de l’un & de l’autre.

Il en est de même des pistils. Le pistil contient sans doute plus de germes de feuilles que d’autres ; une surabondance de sucs, plus propres à nourrir des feuilles que des pistils, venant à circuler dans les vaisseaux des pistils, feront développer les germes des feuilles au dépens de ceux des pistils, & on aura des monstres, moitié feuilles & moitié pistils.

Tous les autres exemples de monstruosités végétales que nous avons cités, peuvent tous s’expliquer par une de ces raisons.

La monstruosité de plusieurs tiges de même espèce réunies, est dûe à la confusion de fœtus se développant, se pénétrant, & dont toutes les parties ont été tellement confondues, qu’elles n’en ont plus fait qu’une, excepté les tiges qui sont restées accollées & sensibles.

La réunion des tiges de différentes espèces, est sans doute une espèce d’hy-