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la montre vit. Mais, si par hasard cette montre venoit à manquer d’une partie essentielle, comme de la roue de rencontre ou de la roue de la fusée, certainement la montre n’iroit pas : il en est à-peu-près de même pour le développement des germes. Voilà pour les germes monstrueux par défaut. Supposons à présent qu’il se trouve dans la montre, & sous la même quadrature, deux fusées ou deux échappemens, & même deux rouages complets l’un dans l’autre, il est de toute évidence qu’en vain l’on monteroit le ressort, rien ne marcheroit, parce que tout se gêneroit, tout seroit contre l’ordre & l’économie : c’est-là le cas des germes monstrueux par excès. Il est donc probable qu’il n’existe & ne peut exister de germes monstrueux. Ce principe paroîtra encore plus vraisemblable, si l’on adopte le système de l’emboîtement des germes, celui auquel nous donnons la préférence, comme au plus plausible. Dans ce système, l’existence des germes monstrueux est encore plus difficile à concevoir. Comment, & pourquoi ces germes qui existent de tout temps, qui préexistent à la fécondation, qui, avant ce moment, vivent de la vie de l’individu qui les porte, & qui attendent le stymulus de la fécondation ; pourquoi, dis-je, ces germes seroient-ils monstrueux ? Qui est ce qui les auroit créés tels ? Et comment auroient ils pu être emboîtés les uns dans les autres, s’ils l’avoient été dès l’origine. Un germe monstrueux nécessite une monstruosité pareille dans le germe qui l’emboîte ; celui-ci par conséquent en nécessite autant ; ainsi les uns des autres jusqu’au premier : ainsi, il ne pourroit exister actuellement un monstre, soit dans le règne animal, soit dans le règne végétal, que l’on ne fût obligé d’en conclure que le premier germe, celui qui renfermoit tous les autres, étoit lui-même monstrueux, & que depuis son développement jusqu’à celui dont il est question, on n’a eu nécessairement que des fœtus ou des individus monstrueux ; ce qui est absolument opposé à ce que nous voyons tous les jours. Une plante douée de toutes ses étamines, de son pistil, &c., en un mot, de toutes les parties nécessaires pour la constituer telle plante, & qui n’a qu’elles, donne souvent des graines qui produisent des monstres ; toutes les fleurs doubles viennent de fleurs simples. Il en est de même dans le règne animal. Combien de fois n’a-t-on pas vu un monstre né d’un homme & d’une femme bien faits ? Il n’est donc pas probable, tranchons le mot, il n’existe donc pas de germes monstrueux !

S’il n’existe pas de germes monstrueux dans le règne végétal comme dans le règne animal, quel peut donc être le principe des monstruosités ? Le même dans les deux règnes. La réunion de deux germes, leur confusion durant leur développement ; en un mot, les monstruosités sont dûes à des fœtus devenus monstrueux. Il faut bien distinguer entre les germes & les fœtus. Le germe est le fœtus avant sa vie propre, & le fœtus est le germe vivant & se développant. Au moment de la fécondation, le germe végétal est stimulé & animé par l’action de la poussière séminale, (Voyez Fécondation) il s’étend, il croît en tous sens. Mais auparavant, ce n’étoit qu’une gelée ; deux germes à côté l’un de