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bon fond de terre, une terre bien végétative, parce qu’elle doit servir de base à toutes ses préparations, & cette rencontre heureuse diminue les frais, les travaux & l’embarras.

III. De sa préparation. Pour ne pas se tromper, on doit considérer les racines de chaque espèce de plante ; elles indiquent la profondeur de bonne terre qu’elles exigent. (Voyez ce qui a été dit au chapitre premier du jardin légumier.) Après s’être assuré de la profondeur à laquelle une plante plonge ses racines, il reste à considérer comment & quelle est la manière d’être des racines. Par exemple, les plantes à oignons, comme les jacinthes, les tulipes, &c., à tubercules, comme les renoncules, les anémones, &c., n’exigent pas des engrais animaux à moins qu’ils ne soient très-vieux, très-consommés & réduits complettement à l’état de terreau. Si la terre retient l’eau, si le fond est argileux, les oignons pourriront, parce qu’ils se nourrissent plus par leurs fleurs que par leurs racines ; ils prospéreront au contraire dans une terre douce, végétale, substantielle, mêlée en parties égales avec des feuilles d’arbres bien pourries. On doit cependant excepter celles des noyers, des myrthes, & même des chênes, parce qu’elles conservent toujours leur astriction & leur amertume naturelle, très-préjudiciables aux plantes ; celles de figuiers produisent le même effet. La hauteur de huit pouces de terre préparée leur suffit. Si on donnoit à des œillets une terre aussi douce, ils travailleroient beaucoup en racines, & peu en fleurs. Les giroflées & autres plantes analogues y prospéreront, mais beaucoup mieux dans une terre faite, unie aux engrais animaux, surtout si elles trouvent un fond de semblable terre de douze à quinze pouces de profondeur. Je n’entrerai pas ici dans de plus grands détails sur l’espèce de terre préparée, qui convient à chaque genre de plante en particulier, parce qu’elle est indiquée à l’article de toutes les plantes, & ce seroit une répétition inutile. J’ai cité les exemples ci-dessus comme des généralités, pour indiquer seulement la nécessité de diversifier le sol suivant le besoin.

Dans le jardin d’un fleuriste, il doit y avoir un local uniquement consacré à la préparation des terres, & divisé en plusieurs cases séparées par des cloisons. Ces cases demandent à être éclairées par les rayons du soleil, & couvertes soit avec des planches, soit avec de la paille, soit par un toit réel, afin que la terre ne soit pas délavée par les pluies, & qu’exposé au soleil, elle attire à elle ce sel aérien, le grand combinateur des principes. (Voyez le mot amendement & le dernier chapitre du mot agriculture.)

Le temps, pour commencer la préparation des terres, est après la chute des feuilles ; on amoncele celles-ci ou séparément, ou unies avec la terre, ou mêlées avec la terre. & les engrais animaux, suivant le besoin. Si le hangard recouvre exactement le monceau, si la pluie ne peut l’imbiber, on le mouillera de manière que l’humidité pénétre jusqu’au fond : il reste dans cet état jusqu’après l’hiver. Au premier printemps & par un beau jour, on renverse le monceau ; on l’étend, & à force de coups de pelle la masse totale est mélangée & amoncelée de nouveau