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pagne absolument le développement de tous les germes ; même semence, même terrein, même influence atmosphérique ; pourquoi quelques fleurs doubles ? Pourquoi quelques monstres ? Nous en développerons la cause plus bas.

Nous allons citer cependant quelques monstruosités florales assez singulières. Les premières nous seront fournies par M. Bonnet. Il cite des fleurs de renoncules du milieu desquelles sortoient une tige portant une autre fleur ; mais sur-tout une rose qui offroit le même phénomène ; du centre de cette fleur, partoit une tige quarrée, blanchâtre, tendre & sans épines, qui portoit à son sommet deux boutons à fleurs, opposés l’un à l’autre, & absolument dépourvus de calice ; un peu au-dessous de ces boutons, sortoit un pétale de forme assez irrégulière. Sur la tige épineuse qui portoit la rose, on observoit une feuille qui différoit beaucoup de celles qui sont propres au rosier ; elle étoit en trèfle ; son pédicule étoit large & plat.

Dans cette classe de monstruosités, il n’est pas rare de voir les étamines se convertir en pétales, & M. Duhamel pense même que la multiplicité des pétales des fleurs doubles, n’est dûe qu’à cette conversion. La stérilité de ces fleurs s’explique facilement par-là ; moins il y aura d’étamines, ou plus il y en aura de converties en pétales, & plus cette stérilité sera parfaite par ce défaut d’organes générateurs. En examinant ces fleurs doubles, on peut souvent observer ce passage, & on trouve des étamines qui ne sont qu’à demi changées en pétales. Les roses sur-tout offrent ces accidents.

Quand le pistil éprouve un effet analogue, au lieu de produire des pétales, il se change en feuilles vertes ordinaires, ou en une tige portant feuilles & fleurs : les rosiers, les cerisiers à fleurs doubles & les œillets, sont sujets à ces accidents. Presque tous les auteurs qui ont écrit sur les monstruosités végétales, comme Bonnet, Duhamel, Schlotterberg, Adanson, &c. &c., ont cité plusieurs exemples de monstruosités florales, & sur-tout de fleurs implantées les unes dans les autres, ce qui a fait donner aux plantes qui les portoient le nom de plantes prolifères. Quelques plantes corimbyfères produisent aussi quelquefois des corimbes implantés l’un dans l’autre.

La fleur de la balsamine est terminée par un éperon. Je l’ai observé quelquefois avec deux ; M. Schlotterberg en a trouvé une à trois. Curieux de savoir si cette fleur produiroit des graines comme les autres, il ne voulut pas la cueillir ; mais son attente fut vaine, & la fleur se dessécha.

4°. Monstruosités des fruits. Les monstruosités des fruits sont encore infiniment plus multipliées que celles des tiges, des feuilles & des fleurs, & l’on peut même dire en général, qu’il n’y a point de fleur monstrueuse, lorsqu’elle produit un fruit, qui ne produise un fruit monstrueux ; mais il ne faut pas en inférer de-là, qu’il n’y a de fruit monstrueux, que lorsqu’il a existé auparavant une fleur monstrueuse. Souvent d’une fleur belle, saine & bien proportionnée, naît un fruit monstrueux, qui doit alors son origine au germe monstrueux contenu dans l’ovaire. La monstruosité des fruits est presque toujours par excès, & par greffe naturelle. Borrichius