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L’abeille n’aspire donc point la liqueur mielleuse qu’elle a à sa disposition ; mais elle la lèche & la lappe. Qu’on presse entre ses doigts, & vers son origine, la trompe d’une abeille, cette pression obligera la liqueur de produire un déchirement dans les membranes par lesquelles elle s’échappera ; mais jamais on ne la verra sortir par le trou qu’on avoit supposé être à son extrémité. Il est probable, & on peut même l’assurer, que les abeilles n’ont pas une manière de recueillir le miel sur les fleurs, différente de celle dont elles enlèvent celui qui est dans un tube de verre. Elles ne trouvent pas sur les fleurs une liqueur toujours préparée, souvent elle est renfermée dans les réservoirs qui la contiennent ; c’est alors, sans doute, qu’elles font usage de leurs dents pour briser les nectaires qui la renferment, comme elles déchirent le papier qui couvre un vase où est contenu du miel qu’on laisse à leur disposition. Du conduit qui est à la racine de la trompe, le miel passe dans la bouche de l’abeille, où est une langue courte & charnue, qui, par diverses inflexions, pousse vers l’œsophage, le miel qui lui a été apporté, afin qu’il aille par ce canal dans l’estomac. C’est dans ce premier estomac que cette liqueur limpide que l’abeille recueille sur les fleurs, souffre un degré de coction, qui, sans altérer sa qualité, l’épaissit & la condense, & la change en miel. Dès que l’abeille a suffisamment rempli cet estomac, elle dirige son vol vers son habitation où sont les magasins dans lesquels elle va le déposer ; dès qu’elle est entrée, elle se repose sur le bord d’une cellule qui sert de magasin, elle y entre la tête la première, & va au fond dégorger la provision qu’elle a ramassée. Le sentiment de Swammerdam le portoit nécessairement à croire que l’abeille versoit son miel dans les alvéoles, par l’infiniment petit trou qu’il supposoit être au bout de la trompe. Cette opération eût été bien plus longue que celle de le ramasser, puisqu’il sort plus condensé de l’estomac, qu’il ne l’étoit lorsqu’il y est entré, comme il l’a reconnu lui-même. M. Maraldi & M. de Réaumur ont très-bien observé que le miel sortoit de l’estomac de l’abeille, par cette ouverture au dessus de la trompe, & tout près des dents, c’est-à dire par la bouche.

Les abeilles ne vont point déposer leur miel indifféremment dans toutes sortes de cellules ; elles commencent par les plus élevées descendent à mesure qu’elles les remplissent. Elles ne vont pas toujours jusqu’aux alvéoles pour se décharger ; lorsqu’elles rencontrent leurs compagnes, que leurs occupations obligent de rester dans le domicile, elles leur font part du miel qu’elles apportent : celle qui arrive, & qui en est bien remplie, étend sa trompe, & celle qui a besoin de manger approche la sienne qu’elle a dépliée, & lappe la liqueur qui lui est offerte de bonne grâce. C’est par un mouvement de contraction, semblable à celui des animaux ruminans, que l’abeille dégorge son miel ; les parois de l’estomac qui en est bien rempli, sont distendus en forme de vessie ; & quand elle veut le faire sortir, une portion des parois de l’estomac s’approche du centre, par un mouvement de contraction, & le retire, & une autre portion se rapproche aussitôt, & ainsi