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naire, & rapportent du miel dans la ruche. Qu’on en prenne de celles qui rentrent sur la fin d’une journée où le soleil n’a point paru, ou lorsqu’il n’y a point eu de rosée, qu’on les presse entre deux doigs, on verra le miel sortir de leur bouche par cette pression, en forme de petite goutte, & si on doutoit que ce fût du vrai miel, en le portant à la bouche, la douceur qu’on y trouveroit en seroit la preuve.

Les abeilles entrent dans le calice des fleurs qui, par leur inclinaison, soit oblique, verticale ou perpendiculaire, ne peuvent recevoir la rosée, & dans celles qui sont à couvert, si elles en ont la liberté : peut-être imaginera-t-on qu’elles se trompent, & qu’elles n’y trouveront point le miel qui les attire : qu’on porte la langue au fond du calice de ces fleurs, & qu’on en brise les pétales avec les dents, on s’assurera, en les suçant, que les abeilles ont eu raison de s’y adresser, & qu’elles peuvent en extraire du miel comme de celles qui sont exposées à la rosée. Ne voit-on pas souvent une foule d’abeilles se porter avec une ardeur étonnante sur un petit jasmin, & laisser un grand rosier qui sera à côté, dont les fleurs seront bien épanouies & très-larges ? Un œillet simple devroit bien moins contenir de ce suc mielleux, dont les abeilles sont si avides, que ces beaux & larges œillets bien épanouis ; cependant elles les préfèrent à ceux-ci, & avec raison. Qu’on sorte en effet les feuilles d’un petit œillet de leur capsule, & qu’on en suce le fond & les pétales qui y étoient attachées, on y trouvera plus de douceur qu’à ceux qui font très gros.

La rosée n’est donc pas le miel, elle contribue cependant à sa production. Ainsi que les pluies douces, elle fournit aux végétaux une humidité qui est reçue par les infiniment petits canaux, dont l’orifice est à la surface des feuilles comme à la tige des plantes ; ce suc arrive à la partie supérieure des feuilles où les pores sont plus ouverts : c’est aussi par-là que se fait la plus grande transpiration du suc intérieur, parce que les vaisseaux excrétoires par où s’échappent les humeurs de la plante, y aboutissent : c’est encore par là que les absorbans, qui servent de nutrition à la plante, comme la pluie, les vapeurs, sont reçus. Cette humidité, conjointement avec celle que la plante tire de la terre, par les tubes qui sont à l’extrémité de toutes leurs racines, s’incorpore à leur substance par la fermentation combinée de ces matières, & produit ainsi la sève qui nourrit la plante. La destination de cette sève, n’est pas seulement de nourrir la plante, elle doit contribuer à la reproduction du végétal ; elle suinte donc, & s’élève dans les canaux de la plante, & va aboutir dans cette glande qui se trouve au fond de la capsule des fleurs ; le surplus de cette liqueur sort par l’extrémité supérieure de cette glande, & retombe au fond de la capsule. M. Linné l’appelle le necturia ; c’est en effet un réservoir rempli d’une liqueur mielleuse, dont l’excédent sort par son extrémité, & retombe au fond de la capsule. C’est-là que les abeilles, qui connoissent parfaitement la position de ces réservoirs, vont puiser le miel, ou la liqueur propre à le devenir.

M. Ligier s’est donc trompé quand il a pensé que ce miellat qu’on trouve sur les feuilles, principalement à la