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repos des familles sollicitent auprès des Souverains une nouvelle loi qui enjoigne, sous peine de nullité, la publication de toute hypothèque & de toute substitution, & leur enregistrement au greffe du tribunal ou jurisdiction de la métairie hypothéquée ou substituée ; enfin, pour qu’il n’y ait ni subterfuge, ni dol, ni cachette, que dans ce dit greffe il y ait un tableau attaché contre le mur pendant autant de temps que durera ou l’hypothèque, ou la substitution. Avec le secours de ce tableau, on trouvera aussitôt dans les archives du greffe les actes originaux qu’il importe de connoître. Il est de l’intérêt du prêteur que sa créance soit connue du public, & il importe peu à l’emprunteur de bonne foi, qui veut & qui peut payer dans le temps, que l’on sache qu’il doit. Le fripon seul a besoin d’être couvert du manteau du mystère ; celui qui substitue à ses enfans jusqu’à la quatrième génération, ne prévoit certainement pas qu’ils se serviront un jour de ce privilège pour tromper un acheteur.

Si l’acquisition d’une métairie n’est pas nette, c’est-à-dire, si la possession de quelque champ est contestée, si des droits sont litigieux, n’achetez pas, à quelque bas prix que ce soit ; on achette toujours trop cher dans ces cas, & les meilleurs procès appauvrissent celui qui les gagne. Sans tranquillité d’esprit, point de bonne agriculture, & le temps que le propriétaire ira perdre à solliciter, les valets le passeront à ne rien faire ; d’ailleurs, distrait par les poursuites, il sera forcé de s’en rapporter à eux sur les opérations agricoles, & tout ira mal, parce qu’il n’est pour voir que l’œil du maître.


Section II.

De l’établissement d’une métairie.


Une source, une fontaine, un ruisseau déterminent ordinairement la position des bâtimens, parce qu’il n’est pas plus possible de se passer d’eau que d’alimens ; cependant, comme les sources & les fontaines sortent en général de terre dans les lieux bas, le local du bâtiment n’est pas alors dans l’endroit le plus salubre ; les rosées y sont plus fortes, le serein plus dangereux, l’air y est moins renouvellé, la putridité, occasionnée par l’humidité, est moins entraînée par les vents ; enfin, si l’hiver & les autres saisons sont pluvieux, on croupit dans la fange, & le bétail est écrasé dans ses charrois. Plus on approche des provinces méridionales, plus ces positions basses & humides sont dangereuses, mal saines ou pestilentielles.

On se résout difficilement à abandonner des bâtimens déjà élevés, quoique le lieu soit mal sain ; leur transport est dispendieux & pénible, & souvent, faute d’avances, on est dans l’impossibilité de mettre la main à l’œuvre & de changer de position ; cette privation est fâcheuse, parce qu’elle devient la ruine de la santé des valets, des fermiers, & celle des terres. Comme à l’impossible nul n’est tenu, il faut, malgré soi & avec chagrin, se soumettre aux circonstances ; mais le propriétaire n’est pas moins un barbare, son cœur est d’acier s’il immole la santé de ses valets à une parcimonie mal entendue ; il devroit être condamné à cultiver lui-même ses terres, & à gémir toute sa vie sous le poids des maladies & des infirmités.