Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/508

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doic conclure qu’on ne sauroit trop chercher à leur procurer une chaleur forte & soutenue. Je parle de celle du soleil, & non de celle des serres chaudes, qui est humide & mal-saine, & d’ailleurs pas assez renouvelée par l’air extérieur.

Outre les causes dont on vient de parler, qui produisent les espèces hybrides, il en est encore d’autres qui agissent sur les formes. Par exemple, la graine d’un melon de forme ronde cette année, semée de nouveau donnera un fruit qui s’alongera : c’est que cette espèce n’étoit pas vraiment une espèce jardinière, mais une simple variété d’une espèce jardinière. Il n’est pas plus surprenant de voir la forme changer, que de voir un oignon de tulipe, &c. donner une fleur d’une seule couleur, & le même oignon produire une fleur panachée l’année d’après. Quant aux melons de formes défectueuses ou contrefaites, cela tient à des accidens particuliers ; comme à des meurtrissures, des piqûres faites par les insectes, &c. On doit rigoureusement enlever ces melons de la melonnière, parce qu’il est infiniment rare qu’ils aient de la qualité ; & dans les pays où les cloches sont en usage, ils occuperoient inutilement un espace précieux.

On divise, en général, les melons en deux classes. La première est destinée aux melons qu’on appelle françois, & la seconde aux melons étrangers, quoiqu’ils soient tous étrangers à la France ; mais on les appelle françois, parce qu’ils sont naturalisés au pays, & qu’ils y réussissent mieux que les autres, c’est-à-dire, aux environs de Paris. On sent combien cette définition est vague.


§. I. Des Melons françois.


1. Melon commun ou Melon maraîcher[1]. Ce melon est le plus généralement recherché par le peuple de Paris. Il n’a point de côte sensible ; elle est très-brodée ; sa chair est épaisse, aqueuse & rouge. Sa broderie ressemble à un réseau, à un filet dont les mailles sont un peu confuses. J’ai observé, pendant que je demeurois à Paris, que lorsque, sous la grosse broderie, on en voyoit une autre plus fine, & pas aussi caractérisée, ce qui sembloit former deux réseaux l’un sous l’autre, la qualité du melon étoit bonne. Sur plus de cent, je ne me suis pas trompé deux fois. Il en est à-peu-près ainsi de tous les melons brodés, soit à côtes, soit sans côtes : cependant je donne cette observation sans la garantir. Ce melon varie beaucoup dans sa forme : il y en a de plus ou moins brodés, de plus ou moins ronds ou alongés, de plus ou moins gros ; ce qui tient beaucoup, quant à la grosseur, aux fréquens arrosemens qui augmentent leur volume aux dépens de leur qualité ; mais elle importe peu au maraîcher qui vend son melon en raison de sa grosseur. Il varie encore par ses feuilles plus ou moins découpées, & par sa maturité plus hâtive ou plus tardive. Ainsi la forme des feuilles,

  1. On appelle les jardins potagers des environs de Paris marais, sans doute parce que le sol en étoit originairement marécageux ; on appelle maraîcher, marèché, marayer les personnes qui les cultivent ; je crois la première dénomination préférable aux suivantes, d’ailleurs cite elle consacrée par l’habitude.