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est sur les lieux ; il est animé du bien public, il y veille comme sur son propre bien, & son amour propre est flatté lorsqu’il réussie. Dans ces provinces, MM. les évêques ont non-seulement l’administration spirituelle ; mais encore beaucoup de part dans l’administration civile. Chacun sçait jusqu’à quel point s’étendent leurs bienfaits & leur patriotisme ; il suffit de leur montrer le bien, pour qu’ils saisissent aussitôt les moyens de le faire. J’oserois donc leur dire, & les prier, pour le bonheur de leurs diocésains, de faire venir de Suisse de la graine de mélèse, de la distribuer à MM. les curés, habitans les montagnes, & de leur promettre une récompense de la part des états, lorsqu’ils seront parvenus à multiplier un certain nombre de pieds, soit chez eux, soit parmi les habitans de leurs communautés. Outre MM. les curés, il convient encore de faire distribuer de la graine aux particuliers zélés qui en demanderont. Les semis & la culture de ces arbres (lorsqu’une fois on a la graine), exigent dans le commencement plus de petits soins que de dépense, & avec une once de graine on peut faire une belle plantation. Puisse le vœu que je fais, être réalisé.

Pline, & plusieurs auteurs anciens, ont avancé que le bois du mélèse étoit inaltérable au feu. Ou ces auteurs n’ont pas connu cet arbre, ou ils ont voulu parler de quelqu’autre. Comment un arbre si résineux résisteroit-il au feu ?


Section IV.

De la manière de retirer sa résine & sa manne.


Dans les pays à mélèse, on ignore en certains endroits l’art de tirer la résine ; & dans d’autres, on ne se doute pas que cet arbre produise de la manne ; enfin, dans certains cantons on retire l’une & l’autre. Dans le Briançonnois, on fait, avec la hache, & au pied de ces arbres, une entaille de quelques pouces de profondeur. Par cette ouverture la résine coule dans des baquets placés au-dessous. Dans la vallée de Chamonix, ce n’est ni avec la hache, ni avec la serpe, qu’on incise l’arbre ; mais on le perce avec une tarrière, jusqu’à la profondeur de huit pouces, & même davantage, & on la reçoit dans un baquet fait avec l’écorce du mélèse. On pense dans ce pays, que la profondeur de ce trou est essentielle, parce que si on n’attaque que l’écorce, la résine qui en découle a très-peu de qualité, & que la bonne doit se tirer du cœur même de l’arbre. Si l’arbre est vigoureux, on le perce en plusieurs endroits différens, & à la même hauteur : l’exposition du midi est préférée, ainsi que les nœuds des anciennes branches coupées. Lorsque ces gouttières ne donnent plus, on pratique de nouveaux trous en-dessus, & ainsi de suite en remontant. Cette opération dure communément depuis la fin de mai jusqu’en septembre, & jusqu’au commencement d’octobre, suivant la saison. Les trous qui cessent de couler sont bouchés avec des chevilles pendant une quinzaine de jours, & sont rouverts ensuite pour donner issue à de nouvelle résine. On compte qu’un mélèse, dans un sol qui lui convient, peut, pendant quarante à cinquante ans, fournir chaque année, sept à huit livres de résine, connue dans le commerce sous la dénomination de térébenthine, ou de