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que des branches percent par leur axe, les branches ont poussé, & étoient assez vigoureuses la dernière fois que je les ai vues.

Enfin, les espèces rares se greffent en approche (Voyez le mot Greffer) sur le mélèse commun. J’ai deux mélèses noirs d’Amérique, que j’ai greffés de cette manière, & qui sont d’une vigueur & d’une beauté étonnantes ; ils sont une fois plus gros & plus hauts que les individus de cette espèce, qui vivent sur leurs propres racines. Les plus petites espèces doivent se greffer sur le mélèse noir. Je ne doute pas que les pins & les sapins ne puissent se multiplier aussi par cette voie, en faisant un choix convenable des espèces les plus disposées à contracter entr’elles cette alliance.

Les mélèses se taillent très-bien : on en forme, sous le ciseau, des pyramides superbes, & il seroit aisé, (si la mode n’en étoit passée,) de leur donner, comme aux ifs, toutes les figures qu’on voudroit imaginer. On en forme des palissades qu’on peut élever aussi haut que l’on veut. Plantez des mélèses de trois à quatre pieds de haut, & à quatre ou cinq pieds de distance chacun ; taillez-les sur leurs deux faces, de bas en haut, bientôt ils se joindront par leurs branches latérales, & formeront une tenture verte, des plus riches & des plus agréables à la vue. Si vous voulez jouir plus vite, plantez-les plus jeunes, à un pied & demi de distance : il ne faut les tailler qu’une fois, & choisir le mois d’octobre, temps où la sève rabattue, ne se perd plus par les coupures. Les mélèses seroient très-propres à couvrir des cabinets & des tonnelles. La terre que ces arbres semblent préférer, quoiqu’ils n’en rebutent aucune, est une terre douce & onctueuse, couleur de noisette, ou rouge. Tel est le résumé des expériences faites en Alsace, par M. le baron de Tschoudi, qui nous a donné une excellente traduction de l’ouvrage de Miller, intitulé : des Arbres résineux. M. Duhamel, dans son traité des arbres, dit : si la forêt est exposée au nord, & en bon terrein, les mélèses, qui n’ont que trois pieds de circonférence par le bas, s’élèvent d’un à quatre-vingt pieds de hauteur, après quoi ils grossissent, & ne s’élèvent plus. Cependant, dans le Valais on en voit de très-beaux du côté du midi, & qui confirment ce que j’ai avancé dans la première section.


Section III.

§. I. De l’utilité du Mélèse, considéré comme bois de construction.


De l’aveu de tous ceux qui connoissent cet arbre, c’est le meilleur de tous les bois, soit pour les ouvrages de charpente, soit pour ceux de menuiserie. Sa force égale au moins celle du chêne, & on ne connoît pas les bornes de sa durée. Il résiste à l’air, & durcit dans l’eau. On lit dans les Mémoires de la Société-Économique de Berne, que Witsen, auteur Hollandois, assure que l’on a trouvé autrefois un vaisseau Numide dans la Méditerranée, & qu’il étoit construit de bois de mélèse & de cyprès ; mais qu’il étoit si dur, qu’il résistoit au fer le plus tranchant. D’autres assurent, qu’une pièce de ce bois, plongée pendant six mois dans l’égoût de fumier, & ensuite dans l’eau, devient dur comme de la pierre &