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d’abord beaucoup vantées ; mais ce n’étoit que du suif de mouton bien dépuré, & rendu solide par la substance amère du marron d’Inde ; leur trop grande cherté, les a bientôt fait abandonner.

Dans un Ouvrage qui a pour titre : L’Art de s’enrichir par l’Agriculture, l’auteur propose de raper les marrons d’Inde dans l’eau, de les y laisser macérer pendant quelque temps, & de laver ensuite avec cette eau les étoffes de laine. M. Deleuze indique aussi, d’après quelques expériences, les marrons comme très-bons pour le roui du chanvre.

Enfin, il y a des personnes qui, persuadées que les marrons d’Inde étoient moins propres à nous servir d’aliment, ou dans les arts, que de médicament, les ont envisagés sous ce dernier point de vue : on les a donc employés en fumigation & comme sternutatoire. On prétend que, pris intérieurement, ils arrêtent le flux de sang. Les maréchaux s’en servent pour les chevaux poussifs : on a vu un soldat invalide, sujet à l’épilepsie, manger des marrons d’Inde, dont l’usage, à ce qu’il assura, avoit éloigné sensiblement les accès de son mal. Une religieuse de l’hôtel-dieu de Paris a aussi été témoin des bons effets du marron d’Inde dans un cas semblable ; elle convient à la vérité que ce remède n’a pas eu une réussite égale sur tous ceux à qui elle l’a administré.

Quoiqu’il en soit, il paroît qu’on n’a encore découvert, reconnu, apperçu, dans le marron d’Inde, aucune propriété capable de le faire adopter pour des usages constans & familiers : aussi un particulier a-t-il voulu faire porter à l’arbre des fleurs doubles, dans le dessein de l’empêcher de produire des fruits, dont la chûte incommode. Ses expériences faites aux Thuileries & au Luxembourg, ont été sans succès : cependant on connoît les prodiges de l’art en ce genre, &c on sçait que si d’une fleur blanche, unie & simple, le jardinier parvient à en faire une fleur double, rouge & panachée, la plante qui offre ce phénomène n’acquiert l’avantage de récréer ainsi nos yeux, qu’aux dépens de ses organes reproductifs, semblables à ces malheureuses victimes d’une coutume barbare & meurtrière, qu’un pontife philosophe a aboli pour l’honneur de l’humanité.

On a encore essayé d’ôter radicalement aux marrons d’Inde leur amertume ordinaire, & de faire porter à l’arbre même, sans changer son espèce, des fruits d’aussi bon goût que les marrons de Lyon. On y a d’abord enté un pêcher, qui a produit des fruits énormes, mais qu’il n’étoit pas possible de manger, à cause de leur excessive amertume. M. de Francheville a proposé à l’Académie de Berlin de faire de cette question intéressante le sujet d’un prix. Ce savant prétend que la métamorphose est possible, qu’il s’agit de deux conditions essentielles à observer pour l’accomplir. La première, de choisir des marronniers d’Inde de cinq à six ans, de les transplanter dans une terre fertile & grasse. La seconde, de les greffer d’eux-mêmes & sur eux-mêmes jusqu’à trois fois, suivant les méthodes usitées ; mais M. Cabannis, dans son excellent traité sur la Greffe, prouve combien sont chimériques toutes ces associations d’arbres d’espèces différentes, ou la transmutation de la même espèce.

En attendant que l’expérience & le