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cependant les marrons se conservent très-bien sous les feuilles de cet arbre ; & ils poussent de meilleure heure que ceux que l’on a conservés dans du sable, pour les semer ensuite… À la fin de la première année du semis, il convient de lever tous les plants, & de les mettre en pépinière à trois pieds de distance les uns des autres. Ils ne réussissent pas si bien dans un espace plus resserré.

Le marronnier d’Inde ordinaire a une variété, dont la coque des fruits n’est pas épineuse. Ses fleurs paraissent plutôt, & ses fruits tombent plus vite ; la tige de l’arbre s’élève moins, elle n’est pas si rameuse, ni si feuillée que celle de l’autre.

Propriétés économiques. Le bois est de qualité médiocre : cependant lorsqu’il n’est pas exposé à l’air extérieur, il se conserve aussi longtemps que celui des bois blancs : il brûle mal, ses cendres sont recherchées pour les lessives.

M, Parmentier nous a communiqué les observations suivantes.

Il paroît qu’on s’est beaucoup exercé sur les marronniers d’Inde & sur leur fruit. Zanichelli, Apothicaire à Venise, a publié une Dissertation Italienne concernant les cures qu’il a opérées avec l’écorce de cet arbre : il la compare, d’après ses propres observations & l’analyse chymique, au quinquina. Plusieurs médecins ont depuis confirmé l’opinion de ce pharmacien. MM. Cqste & Villemet remarquent aussi dans leurs Essais Botaniques, que l’écorce du marronnier d’Inde, en décoction ou en substance, pouvoit remplacer celle du Pérou.

D’excellens patriotes se sont également appliqués à travailler le marron d’Inde, pour tâcher, s’il étoit possible, de le rendre aussi utile qu’il est agréable aux yeux ; ils ont vu à regret ce fruit, dont la récolte est constamment sûre & abondante, relégué dans la classe des choses inutiles, à cause de son insupportable amertume. Chacun a cru être parvenu au but désiré. M. le président Bon a proposé, dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Paris, 1720, de faire macérer ce fruit, à plusieurs reprises, dans des lessives alcalines, & de le faire bouillir ensuite, pour en former une espèce de pâte qu’on puisse donner à manger à la volaille. On a même cherché, dans quelques cantons où il régnoit une disette de fourrages, à accoutumer les chevaux & les moutons à s’en nourrir pendant l’hiver.

Mais il paroît que les marrons d’Inde, dans cet état, ne sont pas une nourriture saine, puisque, jusqu’aujourd’hui, la proposition est demeurée sans exécution. Les lotions & les macérations, en effet, ne sçauroient enlever le suc & le parenchyme dans lesquels réside l’amertume des marrons d’Inde ; le changement que peuvent produire ces opérations, est d’en diminuer l’intensité.

D’autres, croyant impossible à l’art d’enlever l’amertume du marron d’Inde, pour en obtenir ensuite un aliment doux, se sont efforcés d’appliquer ce fruit à divers usages économiques. On a cru être parvenu à en faire une poudre à poudrer, en le mettant sécher, & en le réduisant en poudre : un cordonnier a préparé avec cette poudre une colle qu’il a exaltée comme très-utile au papetier, au tabletier & au relieur. On en a encore fait des bougies que l’on a