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de l’Asie. On le reçut à Vienne en Autriche en 1588, & M. Bachelier, en 1615, l’apporta de Constantinople à Paris, & le planta au jardin de Soubise. Le second fut planté au jardin royal des plantes, & le troisième au Luxembourg. Celui du jardin royal fut planté en 1656, & il est mort en 1767.

Culture. Tout est mode en France, & par conséquent de peu de durée. Dans le siècle dernier, chacun cherchoit avec empressement à se procurer des marronniers d’Inde. L’on admiroit sa croissance rapide, la beauté de sa tige, sa manière élégante dans la disposition de ses branches, le volume & la multiplicité de ses feuilles, la beauté pittoresque & le nombre de ses fleurs en superbes pyramides, enfin, l’ombre délicieuse qu’il procuroit. Il n’y a pas long-temps encore que l’on s’extasioit avec raison sur la portée des arbres de l’allée du palais royal à Paris, qui sembloit plantées & conduites par la main des fées. Aujourd’hui tout le mérite de cet arbre est éclipsé, parce que la chute de ses fleurs salit les allées, & celle de ses fruits, lors de sa maturité, est, dit-on, dangereuse. Enfin, on le supplée par le tilleul, & sur-tout par celui appellé de Hollande, qui est aussi, il est vrai, un fort bel arbre. Tel est l’empire de la mode. On pourroit cependant demander si, dans l’espace de plus d’un siècle que la grande allée du palais royal a subsisté, & qu’elle a fait l’admiration de tous les amateurs & de tous les curieux, quelqu’un a été estropié par la chute des marrons, & si un autre arbre, sans excepter le tilleul de Hollande, procure une ombre plus délicieuse, & se prête plus docilement aux ciseaux du jardinier ? Quel est l’arbre dont la dépouille des fleurs, de leurs calices & de leurs fruits, ne salissent pas dans un temps donné le sol des allées ? Chacun a sa manière de voir : je ne blâme pas celle des autres ; mais, à mon avis, le marronnier d’Inde, bien taillé & en fleurs, est le plus bel arbre que je connoisse, celui qui flatte le plus agréablement ma vue, & à l’ombre duquel je brave plus sûrement les rayons brûlans du soleil. Enfin, c’est l’arbre dont la rapide végétation s’accorde le plus avec notre impatiente envie de jouir. Il est presque de tous les climats & de tous les pays, tandis que le tilleul souffre, languit & périt dans nos provinces méridionales. Il y a peu d’exceptions à cette loi.

Les reproches que l’on fait au marronnier sont bien foibles ; & quant à la chute des fleurs, elle s’étend également aux ormeaux & aux tilleuls : quelques coups de râteaux & de balais suffisent pour les faire disparoître. La durée de la chute des fruits est de quinze jours environ, & dans une saison où l’on recherche peu un ombrage qui a été si nécessaire pendant l’été. Les hannetons, (voyez ce mot) se jettent par préférence sur le marronnier, & quelquefois le dépouillent de ses feuilles : mais le noyer & tant d’autres arbres n’ont-ils pas le même inconvénient ? Si on met en comparaison le mielat, (voyez ce mot) qui découle des feuilles du tilleul, on verra qu’aucun arbre n’est exempt de défauts. Si on veut jouir du beau spectacle des fleurs du marronnier, & ne pas en redouter les suites, on fera usage des échelles qui servent à tailler ces arbres, pour couper les fleurs lors