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cessité, accélérer & fortifier la végétation des plantes. Il ne reste aucun doute à ce sujet.

La marne agit mécaniquement sur les terres fortes & tenaces, à raison de la ténuité de ses parties ; elle agit sur ces terres, comme le sable sur l’argille. Chaque molécule fait l’office d’un petit coin, ou d’un petit levier qui se place entre les molécules de la terre, & les tient séparées. Il résulte de cette désunion, plus de souplesse dans la terre du champ ; elle est pénétrée plus profondément par l’eau pluviale, & elle devient moins compacte & moins gersée par la sécheresse.

La marne, dit-on, engraisse la terre ; cette expression est tout au moins impropre, puisqu’elle ne contient aucun principe graisseux, mais seulement des principes salins, terreux & aëriformes, & par conséquent tous disposés, tous préparés à s’unir aux matières graisseuses. On a beau labourer & labourer sans cesse, la marne ne s’unit point avec la terre du champ, elle reste séparée, & même conserve sa couleur ; ce n’est qu’à la longue, & très à la longue, que s’opère la réunion & le changement de couleur ; ce qui prouve clairement qu’elle divise les terres. D’où l’on doit conclure que la marne jetée sur les sols sablonneux & déjà peu liés, est non-seulement inutile, mais même nuisible. Ceci demande certaines restrictions, dont il va être question. Le laboureur s’aperçoit, dans un champ marné depuis quelques années, que la charrue entre plus facilement, & que ses animaux sont beaucoup moins fatigués. Quand la marne n’auroit d’autres avantages que celui de diviser la terre, de la rendre plus perméable à l’eau, & moins susceptible de se gerser par la chaleur, elle seroit bien précieuse.

Il a été dit que la portion vraiment marneuse, étoit mélangée en partie avec du sable, ou avec de l’argille. C’est précisément le mélange de ces substances qu’il est important de connoître, afin de décider sur quelle espèce de champs on doit répandre la marne, & en quelle quantité.

Le vinaigre, l’acide nitreux, ou eau-forte, noyés dans une quantité égale d’eau commune, l’un ou l’autre de ces acides dissolvent toute la partie calcaire, & n’attaquent pas la partie argilleuse : ainsi, ce qui restera sans être attaqué, indiquera la proportion de la terre calcaire. Il faut que l’acide recouvre entièrement la portion que l’on analise, & on doit en ajouter jusqu’à ce que l’effervescence ne se manifeste plus. L’argille & le sable resteront au fond du vase. Alors, remplissez ce petit vase d’eau de rivière ; remuez le tout, videz-le sur un filtre de papier-gris, & ce qui restera sur le filtre sera la partie non marneuse, mais argilleuse & sablonneuse. Laissez sécher ce résidu ; & si vous avez pesé le morceau de marne avant l’expérience, vous connoîtrez, en pesant de nouveau le résidu, combien il est resté de parties marneuses en dissolution dans l’eau passée à travers le filtre.

Le simple coup-d’œil suffit pour faire distinguer sur le filtre, la partie sablonneuse d’avec l’argilleuse, & la quantité respective de l’une ou de l’autre. Cependant, si vous désirez plus d’exactitude, rejetez le résidu