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le raisonnement suivant. La soustraction du bout des feuilles empêche qu’elles ne travaillent, & fait refluer vers le bourrelet D la sève qu’elles auroient absorbées ; enfin, ces feuilles coupées périssent à la longue, & la place qu’elles occupoient sert ensuite à former le pied de la plante. Dans ce cas, ce sont donc les sucs seuls de la mère tige, qui viennent nourrir la marcotte. Les feuilles ne servent donc plus, ou presque plus à absorber l’humidité de l’air, & les principes qu’il contient. (Voyez le mot Amendement) Quoi qu’il en soit de ces doutes, l’expérience de tous les pays prouve qu’en suivant cette opération, les marcottes réussissent à merveille ; cependant, je puis dite, d’après ma propre expérience, que celles d’œillets réussissent également bien sans la soustraction de la partie supérieure des feuilles.

On choisit communément, pour marcotter les œillets, le temps où les fleurs sont passées, Cette époque convient à tous les pays tempérés, où l’on est assuré que les marcottes auront le temps de s’enraciner avant l’hiver, parce que dans cette saison elles pousseront par des racines, sans des précautions extraordinaires. Dans les pays très-froids, au contraire, il convient de devancer la fleuraison, & on ne marcotte pas les tiges qui s’élancent pour fleurir. Dans les provinces du midi, on peut ne faire cette opération qu’un mois après la fleur, afin d’éviter les grosses chaleurs ; & comme la végétation se propage très-longtemps, les marcottes ont le temps de bien s’enraciner avant l’hiver.

Il n’y a point d’époque générale & fixe, pour le temps de séparer les marcottes des vieux pieds ; l’opération dépend de l’état des racines qu’elles ont poussées. Il vaut mieux attendre à les lever après l’hiver, que de trop se hâter. Plus la marcotte sera enracinée, & plus sa reprise sera sûre.

On peut employer la même méthode pour les branches d’arbres, qui ne prennent pas facilement racine par de simples couchées ; & si on veut les forcer à former le bourrelet, voici la manière de s’y prendre. On choisit à la fin de l’hiver, ou avant la sève du mois d’août, les branches à marcotter ; on mesure des yeux, ou autrement, la place de ces branches qui sera enterrée, & qui formera le coude lorsqu’elle sera marcottée. Dans cet endroit on fera une ligature assez serrée, ou plusieurs, à la manière de celles des carottes de tabac, & à la même distance, ou en spirale avec la même corde, sur plusieurs pouces de longueur ; mais celle du bas sera toujours circulaire, fixe & plus serrée que les autres. On laissera subsister ces ligatures pendant la sève du printemps, & pendant celle du mois d’août, si la première n’a pas suffi à produire un bon bourrelet. Deux objets contribuent à le former, quoiqu’ils dérivent du même principe.

1°. Ce serrement comprime l’écorce sur la partie ligneuse ; la partie ligneuse grossit ; mais comprimée dans cet endroit, l’écorce s’implante dans la cavité du bois qui n’a pu prendre autant d’extension que les parties voisines.

1°. Ces ligatures n’ont pas pu empêcher l’ascension de la sève jusqu’à la sommité des branches, mais elles ont arrêté en partie la recension de