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certaines personnes de l’art auxquelles j’avois communiqué cette observation, ont été à même de l’observer, & leur témoignage est digne de foi.

Il paroît que la différence essentielle entre la manie, & la mélancolie, consiste en ce que la manie est le plus souvent produite par une cause idiopathique du cerveau, ou de ce qu’on appelle ame pensante. Au lieu que la mélancolie dépend d’une affection sympathique des organes digestifs, & autres viscères du bas ventre, avec vice de constitution. Il n’est pas surprenant que le mouvement des maniaques soit vif, féroce, quelquefois phrénétique, vu que l’ame est primitivement affectée ; tandis que dans la mélancolie on ne voit, la plus souvent, que des idées sombres, tristes, des aliénations d’esprit, moins actives ; ce qui tient au vice qui est placé dans des organes moins sensibles & moins actifs, & à la dominance de l’humeur atrabilaire qui s’y complique le plus souvent.

Parmi les causes qui produisent cette maladie, on peut compter les vives passions, les mouvemens violens de l’ame, la contention d’esprit, une étude trop longtemps suivie, & trop réfléchie, un amour malheureux, des désirs effrénés, & rendus vains, ou satisfaits avec trop d’abandon ; des méditations trop profondes ; des idées révoltantes, qui peuvent agiter vivement les nerfs, déranger l’ordre de leurs fonctions, troubler celles de l’ame. Mais dans les causes prochaines, on doit comprendre une sensibilité extraordinaire dans la constitution, une disposition héréditaire, la suppression des menstrues, des lochies & du flux hémorroïdal ; la répercussion de quelques humeurs dartreuses, écrouelleuses ; les excès dans les plaisirs de l’amour, l’usage abusif des liqueurs fortes & spiritueuses.

La manie peut être sympathique, & reconnoître pour cause un amas de vers contenus dans l’estomac & les premières voies ; un engorgement dans les conduits de la vésicule du fiel, & la présence d’une bile très-âcre, de couleur d’un verd foncé & très-exaltée dans cette même poche ; la manie a lieu quelquefois à la suite des fièvres intermittentes, dont on a trop tôt arrêté les paroxismes, par l’usage précipité du quinquina. Les fièvres aiguës, ardentes & inflammatoires, dont la crise a été imparfaite, laissent quelquefois, après elles, cette maladie. Hippocrate remarque que la cessation d’un ulcère, d’une varice, la disposition des tumeurs qui sont dans les ulcères, sont souvent suivies de manie.

Mais l’ouverture du crâne des maniaques, nous fait voir, que le plus ordinairement la cause est idiopathique, & a son siège dans le cerveau. On a trouvé dans les uns, la substance du cerveau très-ferme & compacte ; les gros vaisseaux & ceux qui rampent sur la surface de ce viscère, gorgés d’un sang très-noir. Dans d’autres, un épanchement aqueux, qui inondoit tous les replis du cerveau ; des hydatides solitaires, & d’autres très-rapprochées, & ramassées en forme de peloton ; des varices au plexus choroïde ; les méninges enflammées, & très-dures ; l’avancement de la faulx ossifié ; des vers dans les sinus frontaux.

La manie est une maladie longue ; pour l’ordinaire, peu dange-