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tous les âges, depuis le moment qu’elles commencent à prendre de la consistance, jusqu’à celui où, devenues dures & ligneuses, elles conservent à peine la saveur sucrée qu’elles possèdent si éminemment avant la floraison, il est résulté des sucs troubles & douceâtres, qui, concentrés par le feu, présentent bien des liqueurs épaisses, des extraits, mais qui ne seront jamais comparables, comme on l’a dit, aux syrops, aux miels & aux confitures, quand bien même on supposeroit que la plante est infiniment plus succulente en Amérique que parmi nous.

Il seroit d’ailleurs ridicule de sacrifier, à grand frais, le maïs, pour n’obtenir que des résultats défectueux, & d’une utilité moins générale. Laissons aux abeilles le soin de courrir la campagne, pour aller puiser au fond du nectaire des fleurs, le miel qu’elles nous ramassent, sans opérer de dérangement dans les organes des plantes. Laissons également à l’industrie de nos colons, retirer de la canne, Arundo sacarisera le sucre tout formé, que la providence y a mis en réserve. Conservons à l’homme sa nourriture, aux bêtes à corne leur fourrage, aux chevaux leur ration, aux volailles leur engrais ; voilà l’emploi le plus naturel & le plus raisonnable qu’il soit possible de faire du grain & des tiges du maïs.


Section II.

Dépouillement des robes du maïs.


Les épis de maïs, transportés à la grange, sont encore garnis de leurs robes ou de leurs feuilles : on laisse aux plus beaux & aux plus mûrs de ces épis une partie de l’enveloppe pour en réunir plusieurs ensemble, & les suspendre au plancher, les autres en sont entièrement dépouillés & mis en tas dans le grenier : les épis qui n’ont pas acquis toute leur maturité sont mis à part, & servent journellement de nourriture au bétail : quant aux tiges restées dans les champs, après la récolte, on les enlève aussitôt avec les racines, lorsque on a dessein de semer du froment ; on les répand sur les grands chemins, pour les triturer & les pourrir, ou bien on les enterre dans les champs même ; mais ces tiges sont trop ligneuses pour pouvoir servir de litière, & devenir promptement la matière d’un engrais ; il vaut mieux les brûler, parce qu’indépendamment de la chaleur qu’on en obtient, elles produisent beaucoup de cendres, & ces cendres une quantité considérable de sels alkalis, dont les fabricans de salin tireroient bon parti.


Section III.

De la conservation du maïs en épi.


L’air & le feu sont les agens de la conservation ou de la destruction des corps ; c’est par leurs effets, bien dirigés, qu’on parvient à donner plus de perfection au maïs, ou à en prolonger la durée. Le premier de ces agens, le plus naturel & le moins coûteux, est toujours au pouvoir de l’homme ; mais rarement en recueille-t-il tous les avantages.

Maïs suspendu au plancher. On en entrelasse les épis par les feuilles qu’on leur laisse à cet effet, on en forme des paquets de huit à dix