vineuse, pour les jours consacrés à l’allégresse publique ; qu’il servoit de monnoie dans le commerce, pour se procurer les autres besoins de la vie ; qu’enfin, la reconnoissance, ce sentiment si délicieux pour les cœurs bien nés, avoit déterminé les peuples même les plus sauvages des isles & du Continent de ce nouvel hémisphère, à instituer des fêtes annuelles à l’occasion de la récolte du maïs.
Ainsi on doit conclure, d’après les écrivains regardés, avec raison, comme les sources les plus originales & les plus authentiques de tout ce qui a été publié sur les productions de l’Amérique, que le maïs y est indigène, & que c’est delà qu’il a été transporté au midi & au nord des deux mondes où il s’est si parfaitement naturalisé qu’on le soupçonneroit créé pour l’univers entier ; il se plaît dans tous les climats, & les bruyères défrichées de la Pomméranie en sont maintenant couvertes, comme les plaines de son ancienne patrie.
La fécondité du maïs ne sçauroit être comparée à celle des autres grains de la même famille ; & si la récolte n’en est pas toujours aussi riche, rarement manque-t-elle tout-à fait ; son produit ordinaire est de deux épis, par pied, dans les bons terreins, & d’un seul dans ceux qui sont médiocres ; chaque épi contient douze à treize rangées, & chaque rangée trente-six à quarante grains. Pour semer un arpent, il ne faut que la huitième partie de la semence nécessaire pour l’ensemencer en bled, & cet arpent rapporte communément plus que le double de ce grain, sans compter les haricots, les fèves & autres végétaux, que l’on plante dans les espaces vides, laissés entre chaque pied.
Le maïs est donc un des plus beaux présens que le nouveau monde ait fait à l’ancien ; car indépendamment de la nourriture salutaire que les habitans des campagnes de plusieurs de nos provinces retirent de cette plante, il n’y a rien que les animaux de toute espèce aiment autant, & qui leur profite davantage ; elle fournit du fourrage aux bêtes à corne, la ration aux chevaux, un engrais aux cochons & à la volailler, elle a amené, dans les cantons où on la cultive avec intelligence, une population, un commerce & une abondance qu’on n’y connoissoit point auparavant, lorsqu’on n’y semoit que du froment & du millet : le maïs, en un mot, mérite d’être placé au nombre des productions les plus dignes de nos soins & de nos hommages ; formons des vœux pour que nos concitoyens, plus éclairés sur leurs véritables intérêts, ouvrent les yeux sur les avantages de cette culture, & qu’ils veuillent l’adopter dans tous les endroits qui conviennent à sa végétation.