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ressource, comme cela arrive souvent pendant l’été, dans les provinces du midi, il faut cueillir les rameaux inutiles des vignes, & leur en laisser manger à discrétion pendant quelques jours, & jusqu’à ce que les excrémens aient repris leur souplesse ordinaire.

Je ne connois qu’un seul moyen de prévenir la déperdition superflue de luzerne, faite par les valets, & nuisible aux animaux ; c’est de mélanger, par parties égales, ce fourrage avec la paille de froment ou d’avoine, non pas par lit ou par couche, mais par confusion. La paille contracte l’odeur de la luzerne, l’animal la mange avec plus de plaisir, & n’est plus incommodé. Cet expédient suppose que le fénil est fermé à clef, & que l’on a un homme de confiance, qui distribue chaque jour le fourrage dans une proportion convenable. Si l’animal voit qu’il a du fourrage au-delà de ses besoins, il laisse la paille de côté, & ne mange que la luzerne. S’il n’a que ce qu’il lui faut, il ne laisse rien perdre.

La luzerne, donnée en verd aux chevaux, mulets, & aux bêtes à cornes, les relâche, & les fait fienter clair : on appelle cela les purger. 1°. On ne doit donner cette herbe fraîche que vingt quatre heures après qu’elle a été coupée, afin qu’elle ait eu le temps de perdre une partie de son air de végétation. 2°. On doit très-peu en donner à la fois, dans la crainte d’occasionner la maladie dangereuse dont on va parler. Tout bien considéré, cette manière de donner le vert, ne vaut rien. Il faut préférer de le faire prendre avec l’orge qu’on seme exprès ; après l’orge vient l’avoine ; mais dès que ces plantes ont passé fleur, que le grain commence se former, elles deviennent très dangereuses.

Si, par négligence, ignorance, ou autrement, on laisse aller un cheval, une mule, un bœuf, &c. dans une luzerne sur pied, il se presse d’en manger. La chaleur de l’estomac sépare promptement l’air de la plante, chez les bêtes à corne sur-tout ; cet air enfle leur estomac comme un ballon ; ce volume monstrueux comprime les gros vaisseaux, arrête la circulation du sang, & l’animal meurt au bout de quelques heures, s’il n’est pas secouru promptement. La luzerne ne produit pas cet effet, à l’exception de toute autre plante. La même chose arrive, un peu moins vîte il est vrai, lorsque l’animal se gorge de bled, d’avoine, &c. encore sur pied, & lorsque la plante n’est encore composée que de feuilles. Tout pâturage trop succulent est dangereux.

Les procédés ordinaires, pour prévenir ces funestes effets, sont de faire de longues incisions dans le cuir & sur le dos de l’animal. Elles sont inutiles, quoiqu’elles dégagent un peu d’air & fassent forcir un peu de sang, si elles ont été un peu profondes ; ensuite on force cet animal à courrir ; ce qui vaut mieux, parce que la course & le mouvement rétablissent la circulation. Ce moyen ne suffit pas toujours, il vaut beaucoup mieux commencer à se frotter le bras avec de l’huile, on l’enfonce ensuite dans le fondement de l’animal, afin d’en retirer les gros excrémens, & donner une issue facile à ceux qui sont dans la partie supérieure des intestins, ainsi qu’à l’air qui distend ces parties ; dans le bœuf les estomacs en sont quelquefois pleins, mais le livre est