à la volée. Il me paroît difficile d’établir la parité dans les dépenses ; d’ailleurs la dépense de l’extraction des pieds surnuméraires est inutile, parce que petit-à petit le pied le plus fort affame & fait périr le plus foible, & à la longue il ne reste que les pieds qui peuvent se défendre les uns des autres. Je n’ai jamais vu de luzernière, avoir à sa quatrième année, un nombre de pieds inutiles. Ces raffinemens d’agriculture sont très-jolis dans le cabinet, & rien de plus.
M. Duhamel propose, pour regarnir les places vides, de faire des boutures avec les plantes voisines. Je n’ai pas fait cette expérience, mais je crois ce procédé avantageux, surtout pour repeupler ce qu’on appelle les tonsures. Je ne doute point de l’authenticité du fait, puisqu’un auteur aussi estimable l’avance ; il en coûte si peu de l’essayer au temps de la première coupe, en ouvrant une fosse de huit à dix pouces de profondeur sur l’endroit qu’on veut regarnir. On couche alors la tige, on la recouvre de terre, à l’exception de l’extrémité qui doit déborder la fosse. Il me paroit essentiel d’en couper les fleurs, afin de forcer les sucs à se concentrer dans les tiges enterrées, & les obliger à donner des racines : c’est du moins le parti que je prendrois.
M. Duhamel dit encore avoir fait tirer de terre de vieux pieds de luzerne, ménager avec grand soin les racines latérales, couper le pivot à huit pouces, les avoir fait planter dans une terre neuve, & avant l’hiver ; & qu’enfin tous avoient repris au printemps suivant. Il auroit peut-être dû nous apprendre combien d’années cette luzernière avoit resté en bon état.
La luzerne perd de sa qualité à mesure qu’elle s’éloigne de son pays natal ; c’est-à-dire qu’elle n’est plus aussi nourrissante, parce que les sucs qui la forment sont trop aqueux, & ne sont pas assez élaborés. Malgré cela, aucun fourrage ne peut lui être comparé pour la qualité, aucun n’entretient les animaux dans une aussi bonne graisse, & n’augmente autant l’abondance du lait dans les vaches, &c.
Ces éloges mérités à tous égards, exigent cependant des restrictions. La luzerne échauffe beaucoup les animaux, & si on ne modère la quantité qu’on leur en donne, pendant les chaleurs, & sur-tout dans les provinces méridionales, les bœufs ne tardent pas à pisser le sang, par une suite d’irritation générale. Si on s’en rapporte aux valets d’écurie, ils saoulent de ce fourrage les bêtes confiées à leurs soins, ils s’enorgueillissent de les voir bien portantes, ne pouvant se persuader que la maladie dangereuse qui survient, soit l’effet d’une si bonne nourriture. Dès qu’on s’aperçoit que les crotins de cheval, de mulet, &c. que les fientes de bœufs & de vaches, deviennent serrés, compactes, surtout ces dernières, on doit être bien convaincu que l’animal est échauffé par la surabondance du fourrage. C’est le cas d’en retrancher aussitôt une partie proportionnée au besoin de mettre l’animal à l’eau blanche, légèrement nitrée ; de donner des lavemens avec l’eau & le vinaigre ; enfin, de mener les bœufs & les vaches paître L’herbe verte. Si on n’a pas cette