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qui réunit & assimile les parties constituantes des plantes, est plutôt & mieux faite. Lisez le dernier chapitre du mot Culture, les articles Amendement & Chaux. Veut-on encore que la grande atténuation de ces deux substances serve mécaniquement d’engrais, en procurant une plus grande division entre les molécules du sol ? Soit ! Mais la chaux éteinte à l’air, est bien plus divisée, & réduite en poussière plus fine que ne sera jamais le plâtre le mieux battu ou le mieux pulvérisé par le moulin. Ainsi, la chaux mérite la préférence, sur-tout lorsqu’elle est à bas-prix, & on se servira du plâtre, s’il est beaucoup moins cher que la chaux.

Dans les provinces maritimes du royaume, l’engrais du plâtre ou de la chaux y sera de peu d’utilité, & même nuisible, à mesure qu’on s’approche de la mer, parce que la terre ne manque pas de sel, mais bien plutôt de substances graisseuses & huileuses ; & lorsque le sel surabonde, la plante souffre, à moins que de fréquentes pluies ne l’entraînent. Ces pluies sont excessivement rares au printemps & en été dans les provinces du midi. D’après ce simple exposé, il est clair que si on veut y faire usage du plâtre ou de la chaux, on doit les répandre avant l’hiver, & à différentes époques de l’hiver, à mesure qu’on s’éloigne de la mer. Enfin, l’avantage de ces deux engrais augmente à mesure qu’on s’approche du nord. Dans tous les climats du royaume, je préfère le paccage du troupeau sur la luzernière pendant l’hiver. Quand ouvrira-t-on les yeux sur un fait aussi important, aussi peu coûteux, & si utile pour la perfection des laines & la santé des troupeaux ?

Quelques auteurs ont proposé de transplanter les luzernes, au lieu de les semer, & M. de Châteauvieux, fort partisan de cette méthode, conseille d’en couper le pivot, afin de forcer la plante à pousser des racines latérales. Je suis très-mortifié de ne pas être de l’avis de cet agriculteur, & de plusieurs auteurs qui ont répété la même chose d’après lui. Je ne crains pas de le dire, c’est ouvertement contrarier la loi naturelle de la plante, dont la force de la végétation tient à son pivot ; la luzerne ne réussit jamais mieux que lorsqu’elle peut enfoncer profondément ce pivot ; & cette plante ne tire sa subsistance que par lui, sans lui elle dessécheroit sur pied dans les provinces méridionales. Je ne crois pas que dans les provinces du nord, la plante qui a subi cette opération, doive subsister en bon état pendant plusieurs années. Les travaux de l’agronome ont pour but d’aider les efforts de la nature, & de ne la jamais contrarier. Si ce pivot, énorme par sa longueur dans le sol qui lui convient, étoit superflu à la plante, la nature n’auroit pas été inutilement prodigue en sa faveur. Je l’ai déjà dit, & je le répéterai souvent, l’inspection seule des racines d’une plante, décide l’homme instruit sur la culture qu’elle exige. Cette théorie ne porte pas sur des données, sur des problèmes, mais sur une loi immuable. Ayons des yeux, & sçachons voir !

Le même auteur ajoute que le replantement des luzernes n’est pas plus dispendieux que la destruction des pieds surnuméraires qui ont été semée