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que l’on appelle des tonsures, ou espaces vides de luzerne, & dont peu-à-peu l’herbe s’empare. Le ver commence par le premier pied qu’il rencontre, passe au second, & vient ensuite au plus voisin du premier, & peu-à-peu il établit sa galerie, & ainsi de suite ; on diroit que la place qu’il a dévorée a été tracée avec la faulx. Si dans cette espèce de cercle on voit des crochets, des proéminences, c’est que plusieurs vers travaillent en même temps sur différentes lignes, & quelquefois deux tonsures se joignent, & ne sont séparées que par une seule rangée de pieds de luzerne ; souvent même, dans le milieu de ces tonsures, il reste deux à quatre plantes qui ont été épargnées. Le dégât continue jusqu’à ce que la larve devienne insecte parfait, c’est-à-dire hanneton. Dans cet état il sort de terre pour s’accoupler, & s’enterrer ensuite. (Consultee le mot Hanneton) Ce qui m’a fait présumer que le rhinoceros restoit aussi longtemps dans son état de larve que le hanneton, c’est que ses excursions & ses dégâts duroient autant d’années. Les tonsures ne sont plus agrandies lorsque l’insecte est devenu hanneton. Si dans cet intervalle d’autres hannetons se sont enterrés dans leur voisinage, on peut s’attendre à de nouveaux dégâts, & qui dureront autant que les premiers, & ainsi de suite. La source du mal est connue, comment la tarir ?

J’ai toujours observé que les luzernières, placées près des bois, près des arbres, & des peupliers sur-tout, étoient plus endommagées que les autres ; la raison en est simple : ces arbres servent de retraite aux hannetons, lors de leur sortie de terre, ils se nourrissent de leurs feuilles, ils y sont à couvert de l’ardeur du soleil ; rassemblés pour ainsi dire en famille, ils y trouvent sans peine leurs compagnes, & l’époque de s’enterrer étant une fois venue, ils trouvent dans le voisinage de quoi remplir le but de leur conservation & de leur reproduction. De la théorie, passons à la pratique.

1°. Faire enlever avec soin de dessus le sol de la luzernière, tout le crotin de cheval, d’âne, de mulet, &c., & toutes les bouses de vaches & de bœufs ; ces excrémens y sont sur-tout multipliés lorsqu’on y met ces animaux pendant l’hiver. Faire emporter également ces excrémens lorsqu’après les coupes on voiture la luzerne. Ceux-ci sont encore plus dangereux que les premiers, puisqu’ils conservent l’humidité de la terre qu’ils recouvrent, à l’époque assez ordinaire où le hanneton s’enterre.

2°. Aussitôt qu’on s’aperçoit qu’un pied de luzerne sèche, il faut faire ouvrir une tranchée tout autour, y découvrir la larve & la tuer. Le maître vigilant ne s’en rapportera qu’à lui-même pour la visite de sa luzernière, & il ne quittera l’opération que lorsqu’elle sera complettement finie ; il fera très-bien encore d’avoir avec lui un petit sac rempli de graine de luzerne, & il en répandra sur la terre nouvellement remuée, & la fera enterrer, n’importe à quelle époque du printemps ou de l’été qu’il se trouve ; le pire c’est de perdre un peu de graine. Cette première visite faite, il doit la recommencer souvent, & ne pas se lasser ; ce petit travail conservera sa luzernière : cependant ces semis partiels seront peu utiles si la luzernière est vieille, parce que l’intérieur du