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La forme de la racine indique la nécessité absolue où l’on est de donner les labours les plus profonds ; ici on ne doit épargner ni temps ni peine, & mettre plutôt deux ou trois paires de bœufs à la charrue, que de labourer avec un seul. La durée & la bonté, d’une luzernière dépend, en grande partie, de ses succès dans la première année ; si la graine germe mal, si elle est semée trop clair, la mauvaise herbe prend le dessus. Si on n’est pas dans la coutume de se servir de fortes charrues, il convient alors de faire passer les petites deux fois dans le même sillon, au moins pour les deux premiers labours croisés & de défoncement.

Si on seme après l’hiver, on a le temps nécessaire à la préparation du sol ; deux labours donnés avant l’hiver faciliteront beaucoup la fouille profonde de la terre par la charrue, d’ailleurs la terre sera bien émiettée par les gelées : l’hiver est un excellent laboureur.

Lorsque la terre est bien divisée & prête à recevoir la semence, il est bon, si les sillons sont un peu profonds, de faire passer la herse & de semer ensuite. Sur le semis, on passe aussitôt la herse, soit du côté des dents en terre, soit du côté du plat, & ainsi tour-à-tour, afin que la graine soit enterrée, mais pas trop profondément. Il est bon encore d’attacher derrière la herse des fagots d’épine, chargés de quelques pierres ou de pièces de bois, ils régaleront la terre, & contribueront à mieux enfouir la semence : cette pratique n’est pas à négliger. En général, le point essentiel est de bien diviser la terre, de la diviser profondément, de ne pas trop enfouir la graine & de la bien recouvrir ; si après les semailles il survient une pluie chaude, chaque graine germera, & on ne tardera pas à voir les plantes pulluler de toute parts.


§. IV. Des soins que demande la luzerne après avoir été semée.


Lorsque le fond de terre lui convient, lorsqu’elle a été bien semée, enfin lorsqu’elle a bien germé, elle n’exige aucuns soins. Cette assertion ne s’accorde pas avec celle des auteurs qui prescrivent, comme une condition nécessaire à la réussite, de sarcler le champ de toutes les mauvaises herbes, & autant de fois qu’elles reparaissent : précaution inutile, dépense superflue, toutes les fois que la luzerne n’a pas été trop claire. Dans ce tas, qui dépend ou de la mauvaise qualité de la graine, ou de la faute du semeur, ou de l’effet de la saison, il vaut mieux faucher les mauvaises herbes, les laisser pourrir sur le champ, & resemer de nouveau à l’époque convenable au climat. Dans les pays où les chaleurs sont modérées, & où l’on est sûr de la pluie en été, on peut essayer de resemer jusqu’à la fin du mois d’août ; mais cette ressource est interdite dans les provinces du midi dans les mois de juillet & d’août, la sécheresse & la chaleur y mettent obstacle.

À peine eus-je choisi le Languedoc pour le lieu de ma retraite, que je fis semer de la luzerne, &, plein des écrits que j’avois lus autrefois, & des pratiques que je connoissois, je fis sarcler rigoureusement une partie d’un champ que je venois de convertir en luzerne. Les paysans plaisantaient entr’eux de ma sollicitude ; je leur en